L’écran est noir depuis plusieurs minutes. Les paroles de Dylan sonnent douloureusement juste.
http://www.youtube.com/watch?v=uIsLosH5dik
Il y a des films, simples, transcendants, qui se suffisent à eux même. Le très sous-estimé Brokeback Moutain est de ceux-là.
Il s’agit de l’adaptation d’une nouvelle d’Annie Proulx dénonçant l’homophobie passée et toujours latente au Texas, et aux Etats-Unis en général.
La simplicité de l’histoire est en apparence désarmante. Lors de la transhumance, Ennis del Mar et Jack Twist, deux cowboys saisonniers se rencontrent. Ils semblent opposés, Ennis étant aussi rustre et renfermé que Jack volubile et spontané, mais ils partagent la même sensibilité exacerbée et surtout, les mêmes sentiments.
C’est pour eux le début d’une histoire d’amour impossible dans le Texas conservateur des années 60, où l’homosexualité était encore jusqu’à récemment considérée comme un trouble névrotique et où les habitants se chargent de punir eux-mêmes ceux qui transgressent la loi de Dieu.
Car si beauté des montagnes texanes révèle la nature des êtres, comme parenthèse magique de douceur, servie par la réalisation soigneuse et sincère d’Ang Lee (longs plan fixes figeant le temps, caméra suivant lenteur des gestes et s’attardant sur la profondeur des regards), la société des hommes impose un modèle et voit la solitude d’un mauvais œil là où elle n’est que soulagement à Brokeback Moutain. Les mêmes plans fixes mettent en valeur le malaise d’un repas de famille, tandis que la caméra tourne autour d’Ennis quand son monde s’écroule.
Mentir, paraître, deviennent alors des actes de survie. Prendre une femme. Avoir des enfants ; une attache de plus, une raison supplémentaire de souffrir en silence. Le manque devient une part de leur vie.
Ceux qui ne l’ont pas vu crieront au western gay, les autres salueront ce film pour ce qu’il est, à savoir un drame poignant qui pose la question du vivre sans l’autre, et celle de la normalité et de l’intolérance.
Edit: comment j'ai pu ne pas parler des acteurs? Ledger et Gyllenhall sont époustouflants.