Enchanteur et d’une pudeur sans commune mesure, ce film est un pur joyau. La passion amoureuse va nouer Ennis et Jack à Brockeback Mountain, et nous les suivons pendant 20 ans. Deux décennies où tous deux subiront, à un degré opposé, cette liaison secrète jugée contre nature par une société américaine pudibonde, barricadée de préjugés et machiste. L’un étant prêt à proclamer ce bel amour, l’autre s’enfermant désespérément dans un mutisme pernicieux. Le scénario, soutenu par une réalisation délicate, toute en retenue, décline en filigrane le courage de vivre des personnes qui, à trop vouloir se plier aux convenances, refusent hypocritement d’assumer leur destin. Il pose aussi la question de la responsabilité que cela induit. Non seulement ces personnes se détruisent, mais elles entraînent dans le gouffre l’être aimé et les proches. Aujourd’hui, où vivre son homosexualité semble plus aisé, au moins dans le tissu urbain, l’attitude d’Ennis et Jack peut faire sourire. Mais le film de Ang Lee se pose comme un épilogue et une sorte d’hommage à toutes ces années d’oppression où la plupart des gays n’avaient pas d’autre choix ! Bien plus qu’un western homo, on sent d’ailleurs dans cette connotation lue de droite et de gauche un certain cynisme conservateur, cette oeuvre se veut profondément humaine et troublante, ce qui immanquablement pénètre notre coeur. Elle est interprétée avec réalisme et gravité par un Heath Ledger qui nous gratifie d’une performance unique et un Jake Gyllenhaal dont la présence et le charme touchent à l’enchantement. La musique quant à elle, à l’image cette bouleversante histoire, nous porte vers des sommets de mélancolie.