Un joyau du 7e art

Le Secret des poignards volants est un film qui me transporte par sa poésie visuelle et sa charge émotionnelle. Guillermo del Toro, un maître en matière de cinéma a exprimé à plusieurs reprises que la qualité d’un film ne résidait pas forcément d’abord dans son intrigue et ses personnages, mais aussi et surtout dans la puissance de ses images et la force émotionnelle qu’elles véhiculent. Le Secret des poignards volants en est un parfait exemple. Si l’histoire n’est pas sans intérêt et si les acteurs sont excellents, ce n’est pourtant pas cela qui fait la force de ce film, mais bien ses images qui nous transportent dans un autre monde !

Comment parler de la beauté des combats qui nous sont offerts ! Combats aériens, magnifiquement chorégraphiés. Le sommet étant la scène qui se déroule au milieu des bambous. Tout film d’arts martiaux se doit de comporter une scène de combat au milieu d’une forêt de bambou. Le réalisateur Zhang Yimou s’est plié à la règle, mais il l’a fait à sa façon, avec une beauté enchanteresse ! Les bambous ont cette particularité d’être à la fois rigides et souples. Leurs qualités sont toutes exploitées par les combattants : ils deviennent une arme meurtrière envoyée sur le couple assailli par une bande de soldats, une prison qui les enferme et les livre à eux. Ils ploient sous les corps, ils se balancent au gré des déplacement tandis que les assaillants volent depuis leurs cimes et que le couple poursuivi tente de fuir en courant au sol. La densité des bambous renforce le sentiment d'angoisse de cette scène de poursuite surréaliste! Les ombres des assaillants planant au-dessus de leurs proies!

Et que dire des couleurs ? Car Zhang Yimou est un véritable coloriste ! Dans La cité interdite ce seront les couleurs dorées et rougeoyantes du palais, ici ce sont les couleurs vertes, or, brunes et orangées de la nature. Ce sont les couleurs des arbres, de la forêt de bambous, des prairies, du ciel. Partout les couleurs éclatent ! Les costumes sont parfaitement pensés : le vert qui se fond, le bleu qui ressort. Et ces flocons de neiges ! Quelle beauté sublime ! Le film a été tourné en partie en Ukraine, et la neige s’est invitée au désarroi du réalisateur ! Il a eu le génie, après réflexion, d’en tirer parti ! Et quel résultat ! Le froid et le blanc de la neige recouvrent d’un coup les couleurs de la vie, tout comme le froid qui s’abat sur ces cœurs blessés à mort ! Et c’est la sauvagerie qui se déchaîne, tâchant du rouge du sang la neige immaculée ! Mais la neige n’est pas symbole de mort, elle est ce manteau qui couve la vie endormie prête à se relever et à surgir !

Et que dire de cette énergie qui traverse le film : énergie des courses de chevaux dont les plans s’enchaînent; énergie des combats avec les armes en tous genres qui volent; énergie de la musique lyrique, nostalgique et puissante; énergie de la danse de Xiao Mei, danse vertigineuse, ondoyante, vaporeuse, à couper le souffle !

Et aussi cette histoire, qui n’est pas seulement une histoire d’amour, mais également une histoire de liberté. Que vaut la fidélité à des maîtres dont on est que les pions, pour qui notre vie ne représente rien ?

Le Secret des poignards volants, c’est un pur moment de beauté visuelle, un joyau du 7e art. Je voudrais pouvoir en parler mieux!