La photographie de René Guissart ne sauve pas ce film de l'ennui

Je n’ai pas lu le roman de Joseph Conrad, mais ce n’est pas important puisqu’une adaptation est toujours une création différente de l’œuvre originale.

Le récit se déroule à l’époque de la colonisation de l’Asie via la Compagnie des Indes hollandaise et anglaise. Ainsi, beaucoup d’hommes portent l’inévitable casque colonial.

D’emblée la musique extradiégétique, ajoutée après coup, n’annonce rien de bon. Il est vrai que beaucoup de gens ne supportent pas le silence des films muets. Les projections étaient d’ailleurs accompagnées par des pianistes qui jouaient avec plus ou moins de talent des morceaux selon un répertoire plus ou moins standardisé. Je préfère couper le son pour profiter des images.

Je remarque que, comme dans le film précédent, Maurice Tourneur accorde une place aux animaux, ici à un chat [02’08].

La romance est relatée selon un scénario conforme à l’une des 36 situations dramatiques : un homme retiré du monde prend en pitié puis s'amourache d’une femme rencontrée par hasard, bien qu’il s’en défende [24’31], et doit subir la vengeance de son propriétaire.

Les intertitres me paraissent bavards, car beaucoup trop explicites et trop littéraires [13’26]. Cela gâche la photographie de René Guissart que je trouve superbe.

Les bandits sont caricaturaux, surtout celui qui a déguisement mexicain alors que l’histoire se déroule en Indonésie [18’19]. Le récit traine en longueur et le détour par l’Amérique du Sud n’apporte rien [28’40]. Bref, je commence à m’ennuyer.

Pendant ce temps Alma séduit l’homme qui l’héberge et prétend ne pas être intéressé par les femmes. Un intertitre nous avertit lourdement qu’il va succomber [33’54]. La suite devient de plus en plus incohérente et la mise en scène s’embourbe dans un faux suspense avec cette sentence ridicule : Heyst était “un homme libre de tuer et de mourir pour sa femme” [56’45].

L’intertitre du happy end est pire encore “Je l’ai enfin trouvé, l’Amour et la Mort sont les plus grandes aventures de la vie, mais la plus grande est l’Amour” [58’16].

Bibliographie :

- Joseph CONRAD, Le romancier de la mer [anthologie, 2020 [Partage en ligne].

- Philippe HAUDRÈRE, Les Compagnies des Indes orientales - Trois siècles de rencontre entre Orientaux et Occidentaux (1600-1858), 2006 [Partage en ligne].

- Joseph Conrad et l'Afrique coloniale - Entretien avec Paul Thibaud, Esprit, 2007

- Edward Said et Joseph Conrad - La critique de l'illusion coloniale, Tumultes, 2010.

- L’expérience coloniale de Joseph Conrad et la question de l’esclavage, PhilArchive, 2010.

- Le voyage au cœur des ténèbres de Conrad - Scandale du colonialisme, scandale de la critique postcoloniale in Patrick MATHIEU (sous la direction de), Voyage et scandale, Garnier, 2022.

- Article Où va le cinéma ?, Ciné Monde.

- Article Films bavards vs non bavards, Ciné Monde.


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Créée

le 29 janv. 2025

Modifiée

le 30 janv. 2025

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Serge LEFORT

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