Si on y prend pas garde les productions de Ralph Bakshi vont finir par n'être plus que souvent sujet à moqueries ou à vidéos pour YouTuber peu inspirés : c'est facile de se moquer de la bizarrerie de Cool World en le comparant à Roger Rabbit (comme s'il y avait les même moyen derrière) facile de dire que Fritz the Cat est grossier, facile de se moquer du fait que les chara-design aient mal vieillis et surtout extrêmement facile de cracher sur le Seigneur des Anneaux de 1978 après avoir vu le film de Peter Jackson de 2001.
Or, faut remettre les choses en contexte : on est dans les années 70. Une époque où Disney écrase TOUT (et c'est même pas la meilleure époque du studio) l'animation occidentale est concentrée sur les productions télévisées (Star Trek, Scoubidou, etc...) et là, t'as un mec issue d'une de ces boites qui se dit qu'il va se lancer dans le long métrage d'animation pour adulte. Rien que ça, ça se pose là. (Et le monsieur va en plus donner plus de place aux minorités et aux femme par rapport aux standard de l'époque.)
Du coup, ses films essuient un peu les plâtres (et je ne vais pas remettre la phrase de Karim Debbache sur les plâtres mal essuyé) mais on sent que le mec tentait des trucs et qu'en étant pionnier il se lance dans des voies hasardeuses : c'est parfois expérimental, parfois un peu cracra, avec un chara-design hasardeux (mon dieu Sam) mais ça tente de bien faire malgré l'impossible.
Ici, le pari impossible était d'adapter le Seigneur des Anneaux en un film... pari raté, malgré le fait que ça reste à ce jour le film d'animation le plus long du cinéma américain. Pour le coup, l'idée de base était de faire bel et bien trois films (et Bakshi y tenait au début) mais contrairement à Peter Jackson, des problèmes liés à la production en ont voulus autrement. Du coup, on se retrouve non pas avec le SDA adapté en un film, mais un film adaptant la Communauté de l'Anneau pendant 1h30 et le second livre dans les 40 minutes qui restent. (Le film devait s'appeler "SDA – Part One" mais idem, on leur a refusé ça sous prétexte que personne n'irait voir un "demi-film.") Le pire étant que le succès commercial du film (oui, ça n'a pas été un bide) aurait pu mettre en chantier la suite, mais qu'ils ont préférés foutre l'argent dans un téléfilm.
Devant l'ampleur de la tâche, il a fallut trouver un moyen de tricher, d'où l'utilisation de rotoscopie ou de passages étranges où ce sont des acteurs grimés qui posent et qu'on a retravaillé en post-prod. Le travail était titanesque et dans les interviews on sent que Bakshi a dû faire un grand nombre de concession et laisser tel quel des trucs qui collaient pas trop.
Personnellement, j'ai trouvé certains passages du film fascinant dans le sens où c'est typiquement le genre de truc qu'on pourrait plus refaire et que ça donne un aspect à moitié psychédélique et bizarre à l'oeuvre. Il y a aussi des arrières plans en aquarelle bien foutu. Les Nazguls sont hyper flippants dans cette version et les orcs n'ont pas l'aspect "gros cochon vert" que l'imagerie des JDR leur donneront. A vrai dire, c'est facile de flatter Peter Jackson pour la description des personnages lorsque des décennies d'illustration par Alan Lee lui ont bien mâché le travail. Ici, les gars devaient faire avec leur imagination, ce qui donne du coup des trucs étrange comme le Balrog qui ressemble à un combattant de Mortal Kombat ou Boromir qui a un casque de Viking.
Alors, tout n'est pas bien, il y a quand même pas mal de passages cracra, de personnages moches et d'animations à la truelle, la bataille du gouffre de Helm est baclée et assez illisible. Mais c'est intéressant de voir que certaines scènes ont été copié par Peter Jackson alors qu'au moment de la sortie du 1er film celui-ci affirmait en interview ne pas l'avoir vu (il est revenu depuis, menteur.)
Le film est raté... mais il aura vraiment essayé et c'est en ça qu'il est intéressant. Et pour le coup, c'est vraiment peu charitable de se moquer de lui,