Au sommet
Le sel de Svanétie est le produit d'une hybridation, entre des images documentaires et une fiction qui avait été abandonnée. Et en effet, cela se sent, le ton général du film étant plutôt du côté du...
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le 4 juin 2020
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Le sel de Svanétie est le produit d'une hybridation, entre des images documentaires et une fiction qui avait été abandonnée. Et en effet, cela se sent, le ton général du film étant plutôt du côté du documentaire, avec certaines séquences visiblement mises en scène, comme celle de l'homme qui crache du sang allongé sur le chemin.
Durant l'essentiel du film, on pourrait croire que Kalatozov fait l'apologie des bons sauvages : c'est en effet ce qu'on ferait aujourd'hui tant est répandu le discours "la civilisation c'est le mal, revenons à l'état naturel" (il se trouve que je viens de voir La belle verte de Coline Serreau...).
Sauf qu'on est en 1930, pas en 2020, et surtout en URSS : il s'agit donc ici d'exalter l'oeuvre civilisatrice du Stalinisme, qui permettra de sortir de la barbarie ce bout de montagne enclavé. Les images finales de corps d'ouvriers suant pour tracer une route sont typiques de la propagande soviétique.
Avant cela, Kalatatozov nous aura montré la rudesse extrême de la vie de ces gens, en focalisant sur la question du sel. J'ignorais que les animaux goûtaient à ce point le sel ! On les voit venir laper l'urine d'un homme parce qu'elle est salée ! Sinon, outre les paysages somptueux, Kalatozov nous montre la défense du village en haut des tours, le tissage de la laine, la construction des tours et des toits de maison, l'élevage des moutons, une scène étonnante de neige en été, le départ des hommes dans la neige partis chercher le précieux sel alors que les femmes et les vieux attendent leur retour en scrutant l'horizon... Puis, une séquence d'une grande force, destinée à montrer la barbarie des rites religieux de ces gens qu'il faut décidément ramener dans le giron soviétique.
On enterre un riche villageois, ce qui a deux conséquences : son cheval doit être monté à bride abattue jusqu'à ce qu'il meurt de stress, et une femme sur le point d'accoucher est rejetée de la communauté. Les deux scènes sont montées en alternance et s'achèvent par un chien qui lèche le bébé mort (car le sang est salé) et la tête du cheval mort aux yeux exorbités. Puissant. De même que la scène où la jeune mère crie "de l'eau" désespérément, alternant avec les villageois qui s'abreuvent abondamment.
Car ce film de propagande est un grand film de cinéma. Très peu de plans banals tout au long de cette heure-là. Certains diront qu'il abuse des plongées et des contreplongées, des caméras de traviole, des gros plans étranges... Moi j'achète ! On pense bien sûr à Eisenstein, notamment La ligne générale, pour la force esthétique, la virtuosité du montage, l'audace de certaines séquences. Kalatozov le côtoie sur ces sommets. Sans jeu de mots bien sûr.
8,5
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le 4 juin 2020
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