Que devient la comédie française populaire ? Elle se porte très bien, au vu des cartons réguliers en salle et de la profusion du genre qui truste l’affiche en étouffant souvent les autres candidats.


Dans ce registre, le tandem Nakache / Toledano s’était installé un fauteuil bien confortable : à l’écart de la crétinerie neuneu ou des régressions pour public pré-pubère, ils proposent des comédies humanistes, gentiment sociales, dans lesquelles la mixité est le lieu d’un conflit pour mieux devenir celui du savoir-être.


Le sens de la fête est plus modeste dans ses intentions, et c’est sans doute ce qui lui permet de mieux tirer son épingle du jeu. Dans un esprit faussement choral, car tout reste mécaniquement rivé autour du personnage principal, l’organisation d’un mariage est ainsi l’occasion d’une grande valse collective dans laquelle une pluralité de portraits seront esquissés.


Le rythme est plutôt bien tenu, et la navigation d’un personnage à l’autre efficace ; on se rend d’ailleurs compte que ce sont les personnages d’arrière-plan qui assurent la cohésion de l’ensemble, et font l’objet d’une tendresse un peu acide sur les protagonistes : le jeune magicien raté, le stagiaire de troisième ou, surtout, les immigrés tamouls qui commentent dans leur langue l’action et font preuve d’un sens aigu de l’analyse.


Car les personnages plus importants sont avant tout des caricatures, certaines fonctionnant plus que d’autres, notamment le personnage de J.P. Rouve, assez bien croqué dans sa médiocrité et son assise d’un autre âge en photographe argentique à l’ère des smartphones. La diversité et les mouvements d’une table à l’autre, des coulisses à la scène est toutefois un procédés habile qui permet de toujours éviter que le vernis du cliché craque, en alternant avec une nouvelle scénette qui vient relancer l’attention.


La question de l’originalité de toute cette entreprise ne peut cependant éviter de se poser : rien de bien nouveau n’est à offrir ici, et de nombreux éléments d’écriture sont de purs ressorts un peu trop visibles. Du marié imbu de sa personne à la belle-mère bourgeoise sur le point de se faire décoincer, du prof de lettre dépressif (Macaigne, lui-même, évidemment) à la banlieusarde apprenant à gérer ses écarts de langage en passant par une bluette extraconjugale insipide, tout cela sent bon le catalogue de figures dénué de surprise.


C’est là la facilité un peu gênante du film : du début à la fin, on voit à quel point il a été écrit non pas pour son histoire, mais pour ses comédiens. Macaigne, Lellouche, et évidemment Bacri en sont les exemples les plus frappants : le public est venu les voir, c’est eux qu’on leur offrira. Les répliques elles-mêmes semblent sorties d’autres films, et certains running gags (la blague au patron et le « vous devriez voir votre tête », par exemple) s’alignent dans une mécanique plate qui rouille un peu la dynamique générale.


On n’en n’appréciera pas moins une certaine forme d’élégance. Certes, tout finit comme prévu, et l’ode au vivre ensemble cher au tandem pourra bien s’entonner. Mais, même si la commande est lisible et certaines coutures un peu trop visibles, on ne peut dénier aux deux cinéastes la sincérité de leur propos. Et cette valeur se fait si rare dans la comédie française qu’elle mérite d’être saluée.

Sergent_Pepper
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le 16 oct. 2017

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Sergent_Pepper

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