Vingt ans après Blanche Neige et les Sept Nains le japon par le biais de la Toei produit son premier long-métrage d'animation. Un moment historique donnant au Serpent Blanc un statut particulier, permettant d'ailleurs à nos yeux contemporains d'avoir une certaine sympathie et indulgence à son égard.
Oeuvre bâtarde et dépaysante
L'objectif plus ou moins explicite est d'offrir un cinéma d'animation orientale, en somme le Disney asiatique. Il est légitime de prendre comme appui scénaristique un conte chinois, permettant d'insérer aisément une ambiance et personnage typé, propre à la culture asiatique. On retrouve donc des divinités, un bonze ou encore la mascotte la plus attachante du film : un panda. Mais ce dépaysement, ou plus exactement cette recherche identitaire de la part des Japonais, vient par l'ajout de musique traditionnelle, d'ailleurs très réussie, contribuant à cette recherche d'immersion.
C'est surtout sur la direction artistique, et notamment sur les décors que la patte nippone est mise en avant. Un choix encore une fois très traditionnel, par des arrières plans parfois somptueux, n'étant toutefois pas toujours intégré au moment opportun. N'oublions pas le cadre des villes, habitations, ou les temples qui suivent cette direction très japonaise. Malheureusement, le travail sur les décors n'est pas toujours irréprochable. Avant tout par quelques expérimentations et changement de style, qui s'intègrent avec une certaine maladresse. Comme lorsque l'héroïne se dirige vers la planète du dragon, dans l'espace. Scène qui à mes yeux est un raté, comme l'est d'ailleurs le combat entre le bonze et cette dernière. Certains la trouveront marquante, puisqu'il est certain que des idées auront une influence dans le monde de l'animation japonaise. Cependant, il faut admettre que malgré ces points, elle manque de mouvement, de dynamisme, et surtout de profondeur.
Au-delà des décors et de l'ambiance plutôt réussis, le manque de choix franc dans le style des personnages est l'illustration la plus marquante de cette idée d'hybride et d'un cinéma qui se cherche. On retrouve principalement trois approches bien distinctes. L'une très réaliste portée sur les deux personnages principaux, donnant un aspect très typé, mais sans véritable caractère. D'ailleurs, Ritano qui participa à la réalisation comme gouacheur regretta cet aspect réaliste dans le trait. Il souligne d'autant plus quelque chose de très juste : « Les actions des personnages étaient trop réalistes, c'était une des raisons de mon manque d'intérêt ... Ils manquaient d'envergure pour le domaine de l'animation ». Opinion que je soutiens volontiers sans contextes étant moi-même peux friand de l'animation réaliste, à mes yeux inappropriée au monde de l'animation. Pour ce qui est de l'autre approche, elle est très Disney surtout avec les personnages secondaires, ayant une direction anthropomorphique. Ceci par des personnages aux traits : très ronds, avec beaucoup de courbes, et surtout beaucoup plus attachants. Et le dernier difficile à désigner, l'union des deux peu êtres, mais surtout la moins intéressante, utilisée sur le Bonze et les humains (très peu présents) de second plan. Ce déficit d'originalité dans les personnages est l'aveu d'un manque d'identité artistique. Ceci illustrer par un manque de conviction dans le choix de la démarche à suivre en termes de design des personnages, qui me semble l'un des points les plus décevants de ce long-métrage.
Cette situation donne une impression étrange, un manque d'harmonie qui impacte sur l'ambiance du film. Concrètement, on jongle assez maladroitement entre des scènes légères, attachantes et enfantines, notamment avec Panda et Mimi (le renard). Tantôt avec des scènes plus proches du drame et folklore usé dans le cinéma japonais classique (rythme lent). Une situation particulière donnant un rythme saccadé et manquant parfois de cohérence.
Le dernier point technique porte sur l'animation, qui dans son ensemble est très honorable pour une première production de cette envergure. On notera tout de même quelques saccadement et manque de fluidité des mouvements à de rares moments. Le principal souci porte sur l'expression des personnages qui manque d'un certain travail, surtout pour les personnages réalistes. Mais il faut admettre qu'il est rare que les personnages réalistes du cinéma d'animation d'antan soient réussis. Point noir déjà constaté dans Blanche Neige et les Sept Nains ou encore la fée dans Pinocchio. Donc on pardonne. Ce qui est plus regrettable en revanche est l'oubli du mouvement des lèvres quand le doubleur lance une réplique... Maladresse nuisant à la crédibilité de ce film historique, mais pouvant passer pour un détail puisque l'erreur n'est présente qu'à quelques rares moments du récit.
La petite Bergère et le petit ramoneur (très efféminé)
N'oublions pas le récit, ou plutôt l'histoire ! Enfin si on peut facilement l'oublier, étant donné qu'il n'y a rien de plus classique. L'attention étant monopolisé par la technique, ou quelques scènes plus ou moins marquantes. Bref, c'est une histoire d'amour entre deux êtres de plans différents : un humain et un esprit. Qui envers et contre tous ferons tout leur possible pour vivre leur amour. En vérité, je choisis de sous-estimer l'histoire simplement pour me mettre au niveau de l'ambition et de l'intérêt de Yabushita pour cette dernière. J'ai l'impression qu'il a laissée de côté l'enjeu et possibilité qu'offrait son histoire, pour donner libre cours à son imagination ou plutôt se permettre quelques expérimentations. À l'image des scènes de combats, ou encore celles centrées sur les animaux. Bon et mauvais choix, puisque la scène qui m'a le plus convaincu reste celle entre Panda et la bande d'animaux lui cherchant des poux. La plus convaincante techniquement (fluide et de bonnes idées) et aussi la plus divertissante. Choix nuisant à l'ambiance poétique qu'offre ce conte chinois.
Une impression étrange un peu comme le Yin et le Yang, d'une œuvre à deux facettes. Mais peut-on parler d'un film qui par ses imperfections le rend entier, au niveau d'un chef-d'œuvre du cinéma d'animation ? Pour ma part malgré le plaisir qu'il procure et son importance historique, il serait tout de même hypocrite et un peu facile de lui décerner si illégitimement ce statut. En somme, un film à voir au moins une fois dans sa vie pour tous les amoureux de l'animation quelle que soit son origine. Tout en préservant une certaine clairvoyance à son égard.