Quelle bonne idée qu'ont eue là Philippe Picard et Jérôme Laurent d'avoir ressorti, tel "Hibernatus", cette épopée des ouvrières du textile, injustement moins connue, certes, que celle des mineurs de fond qui extrayaient le charbon, mais tout aussi pénibles... Ce document le montre.
Et si elles n'étaient pas frappées de silicoses, toutes celles (et ceux) qui travaillaient dans l'industrie textile respiraient des fumées vomissant leurs suies du haut d'immenses cheminées d'usines, et comme si ça ne suffisait pas, inhalaient poussières de laines, cotons...
Les "métiers à tisser" (machines) de l'époque n'avaient pas la propriété d'être parfaits et généraient dans les pièces de textile de nombreux défauts de ruptures de fils que piqûrières éplucheuses,visiteuses, voire stoppeuses, réparaient soit à domicile, soit dans des ateliers spécialisés.
Métiers mieux payés que dans les filatures, et qui permettaient à beaucoup de mères de travailler à domicile tout en éduquant leurs enfants... Un peu à la manière du télé- travail de nos jours dû à la covid.
Mais ce n'est pas tout : le textile attirait forcément la chimie (teintures, nettoyeurs, détachants) dont les effluves se mélangeaient dans l'air aux pollutions sus-évoquées. D'autant que tous les logements n'étaient chauffés exclusivement qu'au charbon... Les brouillards étant fréquents, on ne pouvait circuler à l'extérieur qu'en filtrant avec un mouchoir sa respiration. Qu'en pensent les écolos actuels purs et durs fustigeant notre époque ?
Je ne vais pas vous raconter l'histoire du "match", mais ce documentaire ne vaudrait à lui seul que pour retracer la vie d'alors, avec à l'appui de nombreux témoignages de ses acteurs encore vivants.
Et à Roubaix, pas de problèmes de "mobilité" : les courées avec leurs maisons insalubres se blôtissaient tout autour des innombrables usines créatrices d'emplois...
Natif de Roubaix, ma mère formée toute jeune à ces métiers du textile, me disait souvent "Un jour viendra où l'herbe poussera entre les pavés de Roubaix"
Même si l'asphalte les a remplacés, elle avait raison sur le fond... Les noms de gros employeurs comme Prouvost, Tiberghien, Lepoutre, Masurel (). et autres ont disparu des frontispices d'usines comme les Mulliez reconvertis à temps, dans la grande distribution ou un temps l'électronique...
Ce siècle des couturières constitue un fil d'Ariane historique, bienvenu, fort bien fait, et soigneusement tricoté !...
France 3 le 07.03.2022- France 5 le 31.03.2024-