1h30 à l'intérieur de la capitale de la Bosnie-Herzégovine au milieu des années 90, une ville au carrefour entre l'Orient et l'Occident encerclée par les troupes serbes du général Mladic. 1h30 pour retracer le plus long siège de l'histoire moderne, quatre années perdues entre avril 1992 et février 1996. Plus que l'histoire d'une guerre ou d'un affrontement (militaire, ethnique), le documentaire de Rémy Ourdan et Patrick Chauvel retrace l'histoire des 350 000 Sarajéviens en adoptant le point de vue intérieur, quotidien, de ceux qui ont vécu sous les bombes, les obus, et les tirs de snipers pendant de très longues années. Plus que le portrait d'une guerre, plus qu'une prise de position, "Le Siège" est le témoignage d'une résistance, le témoignage d'une communauté multi-culturelle emprisonnée malgré elle.
Bien sûr, le documentaire passe par les images "obligées" de corps mutilés, inertes ou rampants. Un aperçu de ce monde dans lequel coulent le sang et les larmes à mesure que pleuvent les bombes, dans la poussière, les flammes et les gravats. Mais de ces images apocalyptiques de bâtiments éventrés émerge assez vite le besoin vital de survie, dans l'urgence, du corps et de l'esprit. Des champs de ruines renaissent la vie, la jeunesse, et la création. Non loin des tanks et de la Sniper Alley, la chaleur du printemps succède à l'hiver mortel et porte un soupçon d'espoir.
En donnant la parole (en 2015) à des habitants de Sarajevo durant le siège, Rémy Ourdan se concentre sur les aspects humains du conflit, sur des formes de résistances multiples. De nombreux documents viennent compléter les témoignages, photographies, vidéos, enregistrements audio et autres chansons. Peu à peu, l'idée d'une "utopie nécessaire" durant la guerre se dessine, comme si les rires et le divertissement étaient un passage obligé vers la survie. Comme le dira une jeune Sarajévienne, "ce n'était pas forcément une résistance à l'agresseur serbo-tchetnik, mais une résistance à la folie."
[Avis brut #75]