Jean-Pierre Grumbach devient Melville une fois qu'il a rejoint la France libre à Londres en 1942, en hommage à l'auteur de Moby Dick. C'est à ce moment-là qu'il découvre la nouvelle de Vercors Le Silence de la Mer, qu'il tournera en 1947 avec très peu de moyens.


Déjà marquée par la Seconde Guerre mondiale, elle se retrouve au coeur de son premier long-métrage où il met en scène la cohabitation entre un officier allemand féru de culture française et ses deux hôtes français, un vieil homme et sa nièce. Melville tourne son oeuvre comme un huis-clos, où l'on reste une grande partie du temps dans une même pièce, un salon austère et froid où l'allemand évoquera la culture, son amour pour la France, son pays et le rapprochement qu'il souhaite entre la France et l'Allemagne face à deux personnes qui choissisent de rester silencieuses.


Et c'est là que le film tire l'une de ses grandes forces, dans la façon dont Melville rend les personnages et enjeux passionnants malgré des scènes répétitives et des péripéties peu présentes. Melville fait confiance aux dialogues et pensées des personnages, tout en se montrant sobre derrière la caméra et, comme il le montrera régulièrement dans la suite de sa carrière à l'image du casse de Le Cercle Rouge, attaché à un certain réalisme. Il nous immerge dans ce salon, donnant l'impression d'être aux côtés des protagonistes et de vivre cette situation si compliquée, où l'amour, les réflexions ou autres pensées/sentiments ne peuvent s'exprimer.


C'est là aussi que l'oeuvre montre, toute proportion gardée, une certaine limite, si on est immergé dans ce salon, c'est plus comme spectateur et Melville ne fait pas vraiment ressortir toute la force et surtout l'émotion de son récit. Le Silence de la Mer reste intéressant à plus d'un titre, porté en plus par d'impeccables comédiens, mais ne prend jamais une vraie et puissante dimension qui prendrait aux tripes. C'est dommage sans être préjudiciable, Melville montrant tout de même un vrai savoir-faire et mettant bien en avant de nombreux propos et souvent avec intelligence et finesses que ce soit avec des non-dits ou des regards.


Premier long-métrage de Jean-Pierre Melville, Le Silence de la Mer lui permet d'aborder avec intelligence et finesse une cohabitation franco-allemande où il mettra en avant l'impossibilité de communiquer, d'aimer et tout simplement de s'exprimer, alors que la Guerre se révèle de plus en plus forte et grave.

Docteur_Jivago
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le 14 mars 2016

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