Une adaptation étendue du roman de Vercors, pas très fidèle, et qui rajoute des sous-intrigues pour coller un peu au goût du public actuel.
C'est toujours l'histoire d'un jeune officier allemand cordial qui se heurte au silence d'un oncle et de sa nièce. Contrairement à la nouvelle, ils ont ici des noms, et un passé (la nièce a perdu ses parents). Il n'y a pas de voix off comme dans le film de Melville. On s'attarde davantage sur la réalité de l'Occupation ("Il me reste un peu de beurre, tu en veux ?"). Galabru joue l'oncle bonhomme, André, Julie Delarme joue la jeune fille, Jeanne, et Thomas Jouannet prend un magnifikeu akkzent allemAn pour jouer Werner. Les deux jeunes acteurs sont un peu lisses, mais véhiculent bien l'émotion. Du côté de Werner, il y a une ambiguïté qui fait osciller sa politesse entre courtoisie et pédophilie mal contenue. Du côté de Jeanne, le film insiste sur sa découverte de ses propres pouvoirs de séduction féminine (et vas-y que je me regarde en nuisette dans le miroir de la penderie, que je fouille les lettres que Werner reçoit d'une femme allemande). Moins subtil que dans l'original, je dirais. Il y a des saynettes rajoutées, pas mal : Werner qui propose à Jeanne qui s'est fait voler son vélo de monter dans sa voiture, qu'elle dépasse à pied d'un air dédaigneux. Werner qui sauve Jeanne d'un cousin trop entreprenant. Les courtisans qui viennent avec des victuailles plein les bras. En se focalisant trop sur les sentiments de Jeanne, le film perd un peu de son propos.
Le roman de Vercors parlait du fait qu'un envahisseur, même le plus civilisé, reste un envahisseur, et qu'il faut lui opposer un silence digne (ce qui avait été pris de haut dans les milieux de résistants). Ce film raconte des histoires individuelles qui se cognent à la dure réalité de l'Histoire, ce qui est un contre-sens. Les personnages devraient être le moins caractérisés possibles socialement, s'il fallait rester fidèle au livre, il faudrait que ce soit des archétypes, mais des archétypes habités, comme dans la bonne tragédie. Par conséquent, la prise de conscience de Werner, quand ses amis SS sautent dans une voiture sabotée, relève plus du mélodrame que de la réflexion morale.
C'était une bonne idée de placer le film près de la mer, pour faire écho au titre, dommage que ce ne soit pas plus exploité. Quant à la reconstitution, elle fait très téléfilm. Si Werner ne va pas à Paris, mais reçoit ses amis avec qui il se dispute, c'est, j'imagine, pour ne pas multiplier les frais. Tous ces soldats allemands ont l'air engoncés dans leur costume bien net, toutes ces voitures ont l'air sorties d'un rally de vieilles bagnoles. Et puis j'en ai marre de cette image d'Epinal de la jeune fille à vélo avec son pull à gros points et sa jupe plissée qui arrive sur la place de l'église, image de carte postale.
Allez, ce n'est pas une catastrophe, mais comparé au matériau d'origine, c'est tout de même très prédigéré.