Docteur Folamour
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le 7 juil. 2014
95 j'aime
Ce que j'aime dans ce film ce n'est pas tant le thriller et l'histoire de crime - attention, ces aspects là du film sont absolument parfaits mais c'est d'abord l'ambiance glauque à souhait, la manière qu'a le réalisateur de filmer la campagne américaine et la nuit en les rendant décadentes, sales et misérables qui sont remarquables. En cela, le film s'inscrit dans la lignée de nombreuses oeuvres américaines, où la réalité des turpitudes de la nature humaine reprends le dessus sur toute forme de civilisation. Il filme volontiers le brouillard, le froid, des bâtiments industriels hideux, des rues défoncées, des villages à l'ambiance funeste. Le film s'oppose à la tradition américaine du transcendantalisme, à savoir une nature harmonieuse et rayonnante. Ici, le temps et le climat sont toujours maussades, la nature, misérable, décharnée, froide, avec des paysages d'hiver, de la boue, des cloaques.
Et l'histoire de Clarisse Starling va dans ce sens, la nature représentant l'état social et la psychologie des personnages, comme le souligne Hannibal Lecter :
"Vous savez à quoi vous ressemblez avec votre sac à main et vos chaussures bon marché ? À une fille de ferme, une fille de ferme endimanchée, sans le moindre bon goût. Une alimentation correcte a fait de vous une fille solide mais vous n'êtes pas à plus d'une génération de la pauvreté crasse. N'ai-je pas raison agent Starling ? Et cette origine que vous essayez désespérément de cacher, vous venez du fond de la Virginie. Que fait votre père ? Est-ce qu'il descend dans la mine ? Est-ce qu'il empeste le charbon ? Et les garçons qui n'arrêtaient pas de vous sauter dessus, tous ces tâtonnements pénibles et moites à l'arrière des voitures pendant que vous ne rêviez que de partir, de vous sortir de là et d'entrer enfin au FBI."
Le film, plus qu'un polar basique, s'attarde sur ces considérations psycho-sociologiques. C'est une sorte de mise à nu des personnages au travers des entretiens entre le criminel fou et manipulateur Hannibal Lecter et la jeune prodige du FBI Clarisse Starling, chargée d'élucider, à l'aide de Lecter, ex-brillant psychiatre, une sordide affaire de crime. Cette dernière est d'ailleurs un prétexte à la rencontre entre les deux personnages charismatiques que tout semble opposer. Et pourtant... Il va de soi que Hopkins est effroyable dans ce rôle de criminel. Son personnage à lui tout seul est devenu un archétype de méchant, il a inspiré une ribambelles de films. Il crève l'écran. A tel point qu'il fait peur, il semble manipuler le spectateur autant que la jeune Clarisse. Cette dernière, interprétée par Jodie Foster - une actrice que j'adore - est touchante, ne serait-ce que pas son histoire et ses origines mais aussi par sa force et sa détermination. Le criminel recherché durant tout le film souffre aussi d'un problème d'identité, identité symbolisé par le Sphinx, ce papillon rare et magnifique, dont un cocon est toujours déposé dans la gorge des victimes. Et le seul capable de faire les ponts, de faire les liens, par la psychologie, c'est Hannibal, a priori le moins fiable et pourtant le plus lucide.
Le film est précisément en cela amoral. Il sacralise quasiment Hannibal Lecter, qui est aussi génial que terrifiant. Il résout l'affaire, en grande partie. Les sous-entendus dans la mise en scène et dans les dialogues tendent à montrer une admiration de Starling pour le docteur et vice-versa. De cette relation, totalement improbable, découle la résolution d'une affaire de crime et la promotion de la jeune agent du FBI. La film parle aussi de la solitude, du silence. Hannibal fournit des informations pour avoir un contact humain avec une jeune femme, simplement pour cette raison, de manière presque désintéressée. Clarisse Starling est elle aussi, seule, orpheline. Le tueur recherché l'est tout autant, dans une immense maison, avec pour seule compagnie son chien et ses papillons. Solitude que la nature, immense et exaspérante ne fait que renforcer.
Le Silence des Agneaux est donc pour moi un des meilleurs films du genre thriller : une intrigue terrifiante, un personnage secondaire monstrueux et charismatique, un style et une ambiances géniaux, une photographie excellente. Bref, la perfection dans le genre ; une profondeur dans les personnages, une psychologie incarnée dans les décors, des phrases mystérieuses ou mythiques :
J'ai dégusté son foie avec des fèves au beurre et un excellent chianti.
On aime Hannibal, malgré nous.
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Créée
le 24 nov. 2014
Critique lue 888 fois
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