The Last Ride.
Biberonné aux plus illustres noms du grand banditisme durant son enfance à Chicago, où le monde des braqueurs sera partie intégrante de son environnement, le cinéaste Michael Mann attendra cependant...
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le 7 juin 2016
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Le premier film de Mann à sortir en salle est à voir comme le programme de toute son œuvre à venir, avec un avantage non négligeable : à l’aube de sa filmographie, le réalisateur a tout à prouver, et tient encore compte de son spectateur.
Thief, c’est avant tout la jubilation partagée avec son personnage pour la minutie : celle des casses mime la méticulosité du découpage et la précision impeccable des plans. Tout le récit s’articule autour de la figure d’un puriste, comme on en retrouvera beaucoup chez Mann, qu’ils soient au service de la loi ou du crime.
L’ancrage est le deuxième élément fondamental : le cadre spatio-temporel fait l’objet d’une restitution presque obsessionnelle. L’espace est celui de la ville, occasionnant des séquences de transition qui deviendront la patte du cinéaste : enseignes lumineuses reflétées sur la carrosserie rutilante de la voiture sombre, vues en surplomb sur les artères et les buildings, offrant à la convoitise ce grand terrain de jeu pour ceux qui s’avent le prendre d’assaut. Le temps quant à lui, c’est la décennie 80 : après les jaunes de Lumet (Serpico, Un après-midi de chien…), place au bleu, une lumière électrique, une bande son de Tangerine Dream d’un goût presque douteux, autant d’éléments qui feront la sève de l’hommage par Refn dans Drive.
Thief, enfin, c’est le portrait d’un personnage auquel le titre français rend justice. Avant ce fameux « dernier coup » qui balise tant d’intrigues, le personnage brillamment incarné par James Caan s’est fait tout seul. Mais il est donc le seul à jouir des fruits de ses casses, jusqu’à l’arrivée d’une femme, autre élément clé du film noir que Mann ne cessera d’exploiter, de L.A. Takedown à Heat, en passant par Public Ennemies.
La question de la famille et de la paternité est abordé avec une perversité toute tragique : Frank, pour pouvoir adopter et devenir père, doit accepter qu’un parrain local lui impose sa propre paternité, évidemment intéressée. Comme si rentrer dans le rang (le dernier casse, le mariage, la famille) imposait une dépendance autrement plus destructrice.
Thief relate cette convergence catastrophique sur la figure du cowboy solitaire, puisque s’ajoute à la longue préparation du braquage ultime la sollicitation de ripoux qui exigent leur part du gâteau.
Mann aime prendre son temps, autre parallèle possible avec son personnage : la préparation du braquage, l’outillage, les différentes méthodes sont longuement évoquées, tandis que la mise en place de la romance occasionne de son côté de longs dialogues qui permettent aux personnages d’exister : c’est notamment le cas pour le l’intrigue secondaire avec l’ami détenu qu’il fait sortir pour raison de santé, et qui permet d’enfoncer le clou de la logique perverse du récit : tout entreprendre pour tout perdre.
Car le braquage n’est bien entendu par le point d’orgue du film : le principe de la tabula rasa le supplante. L’épilogue crépusculaire, sorte de répétition de Heat, fait le deuil des rêves en chiffonnant ce petit collage naïf que le détenu avait composé en cabane : il reste le feu, le sang, la nuit.
La ville est toujours aussi rutilante ; elle dissipe l’éclat faux des diamants, elle estompe les illusions.
Elle efface le sillage d’une voiture solitaire, qui ne laisse derrière elle qu’une traînée rouge, mascara éphémère de cette instance dévorante.
(8.5/10)
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le 12 juin 2016
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