Là-haut
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Dans le (faux) débat sur la prétendue médiocrité du cinéma français, on oublie souvent de citer l’animation. La production nationale y excelle pourtant, et ce long métrage de Patrick Imbert, déjà engagé par son travail sur des œuvres remarquées (Le Grand Méchant Renard, Avril et le Monde truqué, Ernest et Célestine…) pourra en témoigner.
Le Sommet des dieux adapte le fameux manga de Jirō Taniguchi en cinq volumes – lui-même adaptation d’un roman, et parvient à condenser ses 1500 pages en un récit de 90 minutes aussi denses que fluides. On y suivra, sur trois temporalités, un récit aux multiples mystères : la possible ascension de l’Everest par Mallory en 1924, bien avant le succès officiel de 1953, la quête de sommets d’un japonais autrefois célèbre et l’enquête d’un journaliste parti à ses trousses.
L’œuvre doit ménager plusieurs voies simultanées : celle du documentaire, du portait psychologique et du récit d’aventure, et gère admirablement cette complémentarité. Le montage méticuleux renseigne ainsi sans jamais s’appesantir toute la dimension technique (inserts sur les gestes, le matériel, les règles indispensables à la survie), et embarque le spectateur dans une série d’ascensions où la fascination le dispute au respect pour le talent des alpinistes.
Dans cette pluralité de destinées, un sujet se distingue progressivement, celui de l’inexplicable besoin que ressentent les athlètes pour repousser leurs limites. Le sommet, reconnaissent-ils, n’est pas l’objectif : c’est l’impossibilité de le gravir. S’ils réussissent, il s’agira de trouver plus haut, plus difficile, (en solitaire, sans oxygène, par une face moins praticable) et ce, souvent, jusqu’à la mort. Habu, le forcené des cimes, se distingue ainsi par une solitude croissante et une absence de concessions pour s’adonner corps et âme à sa passion : le regard du journaliste, et la convocation des témoins qui ont pu jalonner sa vie avant sa disparition, dessine ainsi une sorte de parcours de délestage jusqu’aux limites de l’être humain.
Mais l’animation prend tout son sens lorsqu’il s’agit de donner à voir les paysages convoités : dans une technique 2D qui semble très traditionnelle, et aux antipodes de la CGI scintillante à la mode, c’est une merveille de chaque instant. Alliée à un sound design fantastique (le film prend vraiment tout son sens en salle, par les bruitages sourds de la glace, la roche et le vent) la direction artistique, libérée des contraintes des prises de vues réelles, offre une formidable appréhension des dimensions par des parois gigantesques, des verticalités vertigineuses et un sommet se dérobant dans la neige ou la brume. De longues séquences dénuées de tout dialogue incarnent parfaitement la difficulté des alpinistes, la lutte contre les éléments et la rage de faire corps avec cette nature sauvage, effrayante et fascinante qui ne semble s’offrir qu’a ceux qui s’y mettent en danger.
Certains mystères ne seront pas résolus, mais l’indicible qui motive ces protagonistes est, au terme du récit, parfaitement compris. Le journaliste suivait, à distance, le forçat des cimes en le photographiant, fasciné par sa performance. Le spectateur prend avec lui sa part de beauté, de grandeur et d’émotions, et saisit par bribes cet absolu après lequel marchent ceux qui gravissent la montagne.
(8.5/10)
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le 18 oct. 2021
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