Zhang Yimou fait partie de ces emblèmes du cinéma chinois qui lui valut une solide réputation à l'international. "Epouses et Concubines" sera sa consécration mais si j'admets avoir bien aimé la séance, c'est avec le film d'aujourd'hui que j'ai pris le plus de plaisir. "Le Sorgho Rouge", c'est déjà un titre qui en jette. Il fait partie de ces films qui, rien qu'à en entendre le nom, déclenche en vous cette irrésistible envie d'en savoir plus. Outre cela, on s'approchera surtout d'une expérience bien particulière, assez inédite dans le cinéma national. Oui Le Sorgho Rouge est une oeuvre très spéciale qui plaira ou non et dont les enjeux de l'histoire nous apparaissent troubles. Pendant un moment, on ne sait pas où veut nous emmener Yimou, la faute sans doute à un synopsis trompeur et, je dirais même, complètement claqué au sol.
Par l'intermédiaire d'une Gong Li sensationnelle et au charme fou, nous plongeons dans la campagne des années 30 où les cultes et traditions sont toujours très présents. Les liens sacrés du mariage évidemment mais surtout cette distillerie où l'on fabrique du vin à partir du sorgho sauvage dont les rumeurs valent qu'il est hanté. Sa couleur rouge vif sème le doute dans notre esprit. Indubitablement, cette plante, actrice à part entière du récit, fait planer son emprise démoniaque sur une terre où la violence est quotidienne. Sur elle, le sang se répand, fluide autant synonyme de vie que de mort et dont la délectation gustative doublée d'une prière lui étant dédiée renvoie bien sûr au religieux.
Dans cette zone semblant être en dehors du temps et des tracas socio-politiques chinois, le quotidien de ces serviteurs dévoués à la cause oenologique ne peut retarder l'inéluctable qui n'est pas le criminel sadique Sampao tenant un établissement de boucher mais bien l'invasion de la Chine par les troupes japonaises dont les méfaits et atrocités ne sont plus à démontrer, toujours sous le regard attentif du sorgho et d'un ciel rougeoyant. Cette déviation scénaristique n'est pas sans rappeler le chef-d'oeuvre absolu qu'est "Les Démons à ma porte" de Jiang Wen dont il est justement présent ici parmi les acteurs principaux (Coïncidence ? Je ne crois pas !). On évitera d'en dire trop sur la dernière partie qui marque une rupture totale et valant largement le coup d'être découverte à 100%.
Difficile donc d'écrire une chronique sur un long-métrage aussi étrange que Le Sorgho Rouge mais dont le statut d'icône cinématographique de la Cinquième Génération chinoise est amplement mérité.