Dans Le Système Victoria, tout est une affaire de contrôle. Chaque personnage qui le peut use de son emprise. Et aucun de ces personnages ne remet une seule fois en question ce pouvoir qu'il exerce et sa responsabilité dans la position servile de l'autre. Et je trouve ça profondément tragique à regarder, parce qu'on suit tout au long du film des personnages inconséquents, qui évoluent très peu voire pas du tout, et dont les décisions ne sont prises que dans leur propre intérêt.
Les dialogues sonnent faux, à l'image de la relation entre Victoria et David, initiée par une rencontre grotesque. Leur première scène d'amour et l'échange qui suit donne l'espoir d'un début de réflexion sociale quand on entend David lancer « vous les puissants », mais il n'en est rien : après une gorgée de champagne et une crevette déclinée, pouf, envolée la révolution. Pourtant, le promoteur et le directeur du chantier – représentés de la manière la plus caricaturale et détestable possible – sont remis à leur place très tôt dans le film par David. Profitez-en, ça sera son seul sursaut d'orgueil. Par la suite, David va simplement devenir aussi détestable que ses patrons. Du coup, on n'arrête très vite d'éprouver de la sympathie pour lui, tantôt possessif et insistant avec Victoria, tantôt directif et insultant avec ses collègues.
En fait, je ne vois pas du tout ce que le film a tenté de construire. Est-ce qu'il essaye de me dire qu'au final, malgré un sentiment d'oppression on est tous le dominant de quelqu'un ? Ok mais, cette conclusion ne s'applique pas aux intérimaires, au plus bas de la hiérarchie, alors pourquoi dans ce cas ne pas insister sur leur précarité et l'exploitation dont ils sont victimes ?
Ou alors ce film raconte simplement cette histoire d'amour passionnelle ? Je veux bien, mais pourquoi on a l'impression que Victoria n'en a rien à foutre ; pourquoi David passe de « il faut qu'on arrête » à « je t'aime » comme si rien n'avait de consistance ?
Peut-être que le film parle du symbole que représente cette femme forte, puissante et libre ? Je vois bien qu'on me montre ce fameux "système" maîtrisé par Victoria, mais le film raconte finalement très peu la vie de ce personnage. Le monde qu'elle se créé n'est clairement pas un sujet primordial vers lequel nous oriente le film (d'ailleurs, encore une fois, est-ce vraiment nécessaire d'écrire une réplique qui explique frontalement "système" ? est-ce impératif de faire dire à un personnage « EN FAIT C'EST ÇA LE SYSTÈME VICTORIA ! VOUS L'AVEZ ? RAPPORT AU TITRE » ?). Bref, je trouve que Le Système Victoria ne creuse rien d'intéressant et ne parvient pas à rendre pertinent les éléments sur lesquels il semble insister. Et je n'évoque pas l'arc creux et stéréotypé avec les Koweïtiens.
Je finis par quelques points positifs quand même : il y a des jeux de lumières sympas, des transitions vignettes qui surprennent, et une idée de mise en scène répétée avec des miroirs que j'ai trouvé chouette. J'ai relié ces miroirs aux difficultés éprouvées par David à se trouver lui-même au milieu de ses différents visages : père absent, amant passionné, chef de chantier combattif, architecte frustré... À la fois il se démultiplie, mais en même temps il se perd.
J'en resterai donc sur ces aspects plaisants, bien que ce soit de l'ordre du détail.