Plus le temps passe, plus Laurent Achard m'impressionne. Le Tableau est l'expression de quelques plans fixes, haneckiens quelque part, où il s'agit de vivre au sein d'un couple qui se sait sur la fin. Chaque instant est le dernier, sans peur, sans illusion, sans contour, il est vécu avec un amour premier, à l'image de la chanson de Serge Reggiani "Le petit garçon". Seul, détonnera le rouge sanguin du coquelicot cueilli pour le donner, fragile et éphémère, aux abords d'un lac de courtoisie et de tendresse champêtre.
On ne se figure pas très bien de ce qui va advenir de cette séparation, redoutée d'une part, idéalisée d'autre part. Et c'est peut-être par le biais d'un tableau d'une nature abstraite que ce moment prend forme, comme si au fil de l'existence, la vie et ses formes se confondaient, se brouillaient, à la fois si simples et si complexes. Comme quand on connaît quelqu'un depuis très longtemps... On ne sait plus très bien pourquoi on se trouve avec cette personne, tellement on fait corps avec - ce qui rend perplexe face à un vécu amoureux, puisque c'est à peu près la même raison pour laquelle les personnes qui s'aimaient se quittent, se perdent.
Plus le temps passe, plus le tableau prend les couleurs d'une rupture vécue au travers d'un rapport fusionnel.
Il me semble que Achard a voulu rendre compte de ce paradoxe entre le tréfonds d'une existence et la forme qu'elle peut revêtir au travers d'un plan glauque ou verdâtre, qu'on aurait dit emprunté à un peintre de la Renaissance ; on retrouve les éléments principaux qui ont marqué cette période avec le clair-obscur et la nature morte.
Des idées qui sonnent bien, en tous cas, si toutefois elles ne sont pas justes.
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Le scénario original du Tableau (très différent de ce qui paraît dans le film) : file:///C:/Users/User/Downloads/Le%20Tableau.pdf
ou, en version html :
http://www.cnc.fr/c/document_library/get_file?uuid=c940a53e-e661-49b3-b519-b231d05d29ab&groupId=18