Dès le début raconté par Oscar, tu sens que ça va être une saga tragi-comique familiale dans le contexte de Dantzig entre 1918 et 1945. Rien que la scène avec la grand-mère cachoube (germano-polonaise) Anna Bronski qui fait chauffer ses patates dans le foin et cache l'incendiaire Joseph sous ses jupes annonce la couleur.


On rajoute ensuite une sorte de ménage à trois entre Agnès (fille de Anna), son cousin polonais Jan et Alfred Matzerath (un cuisinier allemand) dans lequel Anna est marié à Alfred mais le trompe dans une relation incestueuse avec son cousin Jan.


Au rocambolesque, on ajoute ensuite la naissance de Oscar qui frise le surnaturel : ce dernier prétend être déjà conscient dans le ventre de sa mère et "s'être fait passé pour un nourrisson pour tromper la vigilance [de sa famille]". Ce qui explique pourquoi quand il nait en 1924 sous la promesse de lui offrir un tambour, il est déjà incarné par un David Bennent (âgé de 13 ans à l'époque et aussi de petite taille).


Oscar au final, c'est un peu le Peter Pan de Dantzig : ignorant qui est son père entre Alfred et Jan, voyant les tensions larvaires au sein de la famille divisée entre identités allemandes et polonaises et les relations incestueuses entre Jan et Agnès, Oscar décide à ses 3 ans et après avoir eu son tambour d'arrêter de grandir. On retrouve le côte surnaturel du film quand il se jette dans les escaliers, déjà conscient qu'une certaine blessure peut stopper sa croissance.


Il arrête effectivement de grandir, sauf qu'au lieu de voler comme Peter Pan, Oscar peut casser du verre avec sa voix à cause d'une déformation du larynx, peut-être une malformation congénitale ? Il est fier de sa voix et de son tambour, et il use et abuse des deux : il ne pense qu'à jouer de son instrument, refuse d'obéir à la maîtresse et casse les carreaux avec ses cordes vocales partout il va quand il est contrarié.

À un point où il ne va pas à l'école et ne se fait pas d'amis. En même temps, les enfants sont plutôt méchants avec lui à cause de sa petite taille même pour la primaire. Ce qui laisse penser que Oscar serait atteint de nanisme plus que d'une malédiction auto-infligée.


Là où il me rappelle encore le personnage volant de Barrie, c’est aussi qu’il se comporte aussi comme un sale gosse mais arrive aussi à défaire l’équivalent du Capitaine Crochet :


Il y a une scène avec un rassemblement nazi avant la guerre mondiale. Oscar arrive à gâcher cet attroupement, en se cachant sous l’estrade et joue quelques notes de son instrument. Ça suffit pour déstabiliser l’orchestre qui se met alors à jouer de la musique de cirque et à faire danser les hitlériens au détriment des organisateurs qui pètent une durite. En même temps, faut savoir que certaines marches militaires sont devenues des musique de cirque et inversement ;)


Oscar avait bien vu venir le drame qui allait secouer les Allemagnes et le monde :

Les Allemands, ce peuple crédule qui croit au Père Noël. Sauf que le Père Noël était le préposé au gaz !

Sauf que le même Oscar devient ensuite plus proche du côté obscur de Peter Pan après la mort de sa mère.

Elle meurt du stress car ne pouvant pas assumer un deuxième enfant dont elle ignore qui est le père entre Alfred et Jan et ne voulant pas risquer qu’il ne puisse pas grandir comme Oscar (même si elle l’aime bien). Son amant, le marchand de jouet Markus (Charles Aznavour), se suicide peu après alors qu'un pogrom vise son magasin.


Car Oscar continue de se comporter en enfant pourri gâté quitte à faire crever son entourage. En tant que narrateur, il semble d’ailleurs éprouver une part de culpabilité à ce sujet.

L’Histoire retiendra la date du 1er septembre 1939, début de la Seconde Guerre Mondiale, quand j’ai fait mourir mon père biologique présumé Jan Bronski en l’emmenant à la poste.

La poste polonaise se fait attaquer par les Nazis alors que Jan et Oscar y allaient. Et alors que Jan et les Polonais résistent, Oscar ne pense qu’à son tambour et fait un caprice, provoquant la mort de son père et de Kobyella (qui réparait son tambour d’habitude).


Oscar est resté jusqu’ici à l’âge mental de 3 ans dans ce qu’il a de pire, tellement attaché à des biens matériels qu’il ignore tout vrai attachement aux personnes (sauf peut-être à sa grand-mère en se cachant dans ses jupes). Mais ça ne s’arrange pas de suite pour lui, vu qu’il grandit en fait mentalement qu’il le veuille ou non : il a 16 ans en 1940, et il le sait parfaitement quand il dit son âge à son entourage et à Bebra et sa troupe de liliputiens allemands. Sauf qu’il ne reste à la maison que son autre père Alfred, qui est devenu un nazi assumé.


Ce dernier embauche pour sa boutique Maria, une fille de 16 ans. Et c’est là que l’état mental d'Oscar passe entre gaminerie gâtée et adolescence attardée en chaleur (c’est aussi là que le film devient assez glauque, plus qu’il ne l’était déjà) :

Il fait des jeux sexuels à base de partage d’aspérule et couche avec Maria car ils ont 16-18 ans. Sauf que je rappelle que l’acteur David Bennent avait 13 ans à l’époque du film à moins qu’il n’était doublé pour ces scènes. Il gêne même une coucherie entre Alfred et Maria, et cette dernière finit enceinte à cause de ça. Oscar voulut la consoler avec son jeu de l’aspérule mais Maria le rejette, ne voyant en lui à tort ou à raison qu’un nain vicelard sans empathie.


C’est aussi là que je perd mon empathie déjà assez bien entamée pour Oscar. Car autant il semblait bon analyste de la situation y compris géopolitique, autant c’est là qu’il multiplie les mauvais choix en tout bon sale gosse qu’il est.

Il finit par rejoindre les Nazis avec Bebra et une troupe de nains qui font des spectacles pour le Reich. Ironique d’autant que les Nazis détestaient les marginaux, dont les nains. Ici, ils s’en servent comme phénomène de foire et pour la propagande. Cette partie est toutefois métaphorique, montrant les nazis comme des grands enfants envahisseurs profitant des ressources des pays envahis comme de nouveaux jouets.

Il couche aussi avec une autre naine de son âge. Mais cette dernière finit par mourir dans un bombardement américain car elle ne voulait pas partir sans sa tasse de café malgré le caractère imminent de la mort. En fait, beaucoup de gens dans ce film ne savent pas quoi rationnellement faire face au danger (Jan jouait aux cartes en plein combat avant de mourir, par exemple).


Oscar revient donc à Dantzig dans une Allemagne nazie en défaite assurée, avec Alfred et Maria qui ont eu un enfant (Kurt). Oscar est même persuadé que c’est son enfant à lui et Maria et promet de lui offrir un tambour à ses 3 ans.

Il y a aussi une scène coupée où des gestapistes voulaient emmener Oscar dans un institut. Mais Alfred les en empêche, comme s’il comprenait ce que cela signifie l’extermination pour son fils biologique ou adopté.


Mais Oscar fait une dernière bêtise d’enfant qui lui fait enfin comprendre que rester petit est un cadeau empoisonné.

Alors que les Russes rentrent dans Dantzig et chez eux, Alfred cache son emblème du parti nazi dans le sol. Mais Oscar fait le gamin et le déterre et le lui enfonce dans la main par accident en voulant le lui rendre. Sous la douleur, Alfred fait un geste brusque et les Russes le croient agressif et le tuent.


Ce n’est d’ailleurs que quand Alfred est enterré que Oscar comprend que son entêtement à ne pas grandir lui a coûté la vie de ses parents et qu’il se retrouve sans rien, sauf avec une Maria qui le déteste, sa voix et son tambour qui ne ressuscitent pas les morts. C’est enfin qu’il comprend qu’il est temps de devenir adulte en esprit et en taille.

C’est Kurt qui reproduit l’accident de Oscar au début en lui balançant un caillou la tête. Un clochard ami de la famille constate donc que Oscar est entrain de grandir (mais ce n’est pas montré plus explicitement que ça).


Oscar est donc envoyé par train à l’Ouest. Ne reste à Dantzig que sa grand-mère Anna qui fait chauffer des patates dans le foin comme au début et rappelle le drame vécu par la région.

Nous les Cachoubes, on est pas vraiment Polonais. On est pas vraiment Allemands non plus. Mais on reste pour se faire taper dessus par les deux.

Le film se finit d’ailleurs par Oscar dans le train qui crie « Papa » bien tard alors que le train s’éloigne et qu’il n’a plus de papa. Comme si malgré le fait qu’il grandissait, que les années perdues le rattrapaient d’une certaine manière, et avec elle la culpabilité, la peur et le regret et qu’il restait au fond un enfant perdu souffrant cette fois des conséquences de ses actes.


Darevenin
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le 5 févr. 2025

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