To give and let die.
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Avant-dernier film de Douglas Sirk (1958), datant de sa période américaine donc. C'est elle qui contient ses opus les plus fameux, comme Mirage de la vie ou Tout ce que le ciel permet ; celle qui en fait la maître du mélodrame, acclamé systématiquement depuis cinquante ans alors qu'il a été reconnu sur le tard et attirait presque le mépris vers 1950. A Time to Love and a Time to Die se base sur le roman Zeit zu leben und Zeit zu sterben d'Erich Maria Remarque (1954), auteur dont a déjà été tiré le film A l'Ouest rien de nouveau. L'action se déroule sur le front germano-russe, côté allemand et se concentre sur l'idylle d'un soldat qui a tout perdu et d'une femme dont le père est en camp de concentration pour avoir émis ponctuellement des doutes sur la victoire finale du nazisme.
À la dénonciation du nazisme, Douglas Sirk préfère l'éloge de l'amour, lequel triomphe sur l'absurdité de la guerre et de la société enlaidie des tyrans. Ernst Graeber (John Gavin) devra repartir au front à la fin du film, alors qu'il sait les horreurs qui l'y attende, qu'il n'est plus assimilé à la cause et que sa famille a été décimée à cause de cette guerre. Il veut donc vivre d'ici là, c'est-à-dire aimer dans le langage de Douglas Sirk, en laissant de surcroît à Elizabeth (Liselotte Pulver) ses ressources et un souvenir positif au cas où il mourrait. Comme dans ses autres films, surtout ceux des années 1950 (tel Le Secret Magnifique), Douglas Sirk emploie la couleur de manière romantique et expressionniste, cette fois à l'aide de l'Eastmancolor, technique qui se répandra dans les années 1960.
Le film fonctionne grâce à son lyrisme exacerbé en toutes choses et en tous lieux. Avec les événements politiques et sociaux, le couple baigne dans l'incertitude : il est toujours possible que les choses tournent pour le mieux, il est possible de trouver des alliés comme d'être condamné dans l'heure. La seule certitude c'est d'être piégé dans un conflit vraisemblablement perdu pour l'Allemagne, avec une rémission éventuelle à la clé, dans un futur proche pourtant très lointain. Chacun joue son rôle ou tache de tirer parti du contexte : la situation est nihiliste. Que les allemands collaborent ou traînent les pieds, la foi a disparue ; à part peut-être chez quelques kapos, encore qu'ils soient surtout absorbés par les bénéfices de leurs fonctions.
Les bénéfices, même pas les honneurs ! C'est le cas de l'ami chef de district d'Ernst, un de ces personnages immatures, d'une candeur sur le fond presque désarmante bien qu'elle cohabite avec le cynisme et les représentations molles les plus destructrices. Cette incertitude qui est aussi celle des portraits rend la séance d'autant plus passionnante, Douglas Sirk faisant preuve d'une grande finesse encore une fois ; dont la limite est un optimisme lunaire et vigoureux, qui rendait déjà Le Secret Magnifique presque choquant. John Gavin en est l'expression maladroite : l'homme qui a vu l'enfer est un petit gendre propret et il est peu (voir pas) polarisé, que ce soit quand à l'humanité ou aux événements. Malgré tout, la richesse de sentiments, toutes les qualités plastiques et structurelles de ce film en font un mélodrame d'élite.
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Créée
le 16 févr. 2015
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