Franchement, j'ai été surpris. Disons que je ne savais rien du film, que ça commence tout à fait normalement, une famille se rend dans un lieu de villégiature... et là... ça bascule extrêmement vite. On se rend compte que nous ne sommes pas réellement dans le monde tel qu'on le connaît malgré les similitudes et que quelque chose s'est passé, que la société a quelque part dû s'effondrer et qu'en fait on est quelque part en train de voir un film post apocalyptique... Je ne pensais pas voir une telle proposition de la part de Haneke.
Et franchement j'ai bien aimé voir cette société en déliquescence, parce que le film se rapproche vraiment du film d'horreur, surtout au début. Haneke filme quasiment tout de nuit et la nuit est noire, on ne voit absolument rien. Les gens sont perdus, ne savent pas où aller... C'est absolument terrible et angoissant. Le personnage d'Isabelle Huppert perd son gamin dans la nuit... Peut-on imaginer pire situation. En fait, sans la société pour nous protéger, on se rend compte d'à quel point nous sommes vulnérables face au froid, au noir et surtout aux autres.
Les autres c'est d'ailleurs le sujet du reste du film, comment des gens qui ne se supportent pas, comment des gens qui profitent des autres, qui se volent, qui se tuent, peuvent essayer un temps de cohabiter en attendant Godot... Parce que c'est exactement ça ce film, des gens attendant un train, pour aller on ne sait où, faire je ne sais quoi... et qui ne viendra vraisemblablement jamais.
Forcément on est chez Haneke donc ce n'est pas un film qui transpire la joie de vivre et la bonne humeur, c'est même un film carrément désespéré car clairement on sent qu'il n'y a rien à attendre de cette situation ce qui met quand même profondément mal à l'aise. Disons que les personnages restent là avec un espoir, vain, de pouvoir prendre ce foutu train, alors que vu la misère, vu le bordel, tout indiquerait de partir le plus loin possible, de continuer à pied, en courant, à vélo... peu importe... mais de partir loin de ces hommes qui deviennent petit à petit des bêtes.
Certains pourront trouver le message convenu, l'Homme est un loup pour l'Homme... Mais franchement je suis resté scotché devant la beauté des décors atrocement sombres de cette angoissante campagne. J'adore l'ambiance malsaine, j'aime que ça ne soit pas explicatif pour un sous, qu'on ne me prenne pas par la main pour me raconter en détail pourquoi ceci, pourquoi cela, disons qu'on est plongé dans l'action (ou plutôt dans l'inaction) et que c'est un régal de s'enfoncer avec les personnages dans le néant.
En regardant ce film j'ai vraiment l'impression de m'enfoncer dans une abîme qui aspire toute forme de vitalité.
Et puis il y a la fin, comme un ultime (et seul) moment de tendresse du film, moment qui fait du bien, même si on se demande vu le désespoir de quoi ce tendresse est le nom ? Ce gamin est temporairement sauvé, mais pour devenir quoi dans ce monde vidé de tout espoir ? Et là, le film devient encore plus dur, car même le sauvetage d'un enfant ne peut fournir de l'espoir...
Haneke s'en amuse d'ailleurs avec la dernière séquence, laissant au spectateur interpréter, comme il l'aime, ce qui va se passer... ou non... Sadique...