Monsieur Spielberg,
Peut-être serait-il temps de vous débarrasser de vos défauts. Vous avez certes beaucoup de qualités, mais vous êtes indécrottable par endroits.
Premièrement, quand est-ce que vous comprendrez que la guerre, la répression et l'oppression ne se fait plus à cout d'uniformes en rang, marchant au pas, avec fanfare militaire dans le fond ? Je commence à avoir des crises d'allergie dès que je vois l'inévitable scène où les pions/soldats/policiers/fonctionnaires/vétérinaires/passants/voitures/pingouins/machines/cosmonautes (rayer la mention inutile) s'avance en rang parfait, le doigt sur la couture, vers leur objectif qui est censé être le centre de vos émotions. Mais qui au monde peut arrêter cette marche inéluctable ordonnée par un esprit sans âme ? Je parle de la scène, pas de l'esprit du réalisateur. A chaque film de vous même réalisateur que je vois pour la première fois, je redoute de voir encore et encore la scène où les scientifiques déguisés en cosmonautes arrivent en rang vers la maison qui héberge un sympathique mais malade extraterrestre, suivis du rang des shérifs locaux, suivis du rang des chiens policiers, suivi du rang des motards, suivis du rang des ambulances, suivis du rang des journalistes, suivi du rang des hélicoptères, etc. Vous avez du vous traumatiser vous-même quand vous jouiez avec les soldats de plomb autrefois jouets de votre père.
Et là, ça ne coupe pas, les policiers sont en rang, les écrans sont en rang, les douaniers sont en rang, même les avions doivent l'être, tous mus d'un même mouvement tels des clones, venant exercer leur pression commune sur le personnage en qui le spectateur a transféré sa sympathie, voir son espoir.
Deuxièmement, ce film est affligeant de machisme et de réduction de l'état de la pensée de la femme, à tel point qu'on peut se demander si vous avez déjà eu l'occasion d'en approcher une. Les deux femmes parmi les personnages féminins ne sont descriptibles que comme faire-valoir auprès de la gente masculine. Elle sont là pour satisfaire, subir, approuver. Aucune once de décision, de jugement, de self-arbitre, ni même, finalement, de personnalité ou de qualité. Vos personnages masculins peuvent être forts ou faibles, naïfs, volontaires, cyniques, bons, hargneux, courageux, intelligents, instinctifs, etc. Mais les femmes de ce films sont des plantes vertes. On les arrose d'un repas, d'une bague, et elles sont épanouies. Et de plus des plantes vertes qui n'apportent rien à l'histoire.
Tout pour en venir au film dans sa globalité. Car l'histoire... ben l'histoire, bof. Inutile de la raconter, il faut juste comprendre que le scénario tient dans deux lignes (ce qui peut être une qualité) et tout ce qui meuble autour de ce scénario simpliste ne sont que des meubles. Interchangeables, modulables, voire jetables. On y met un peu de rire, de burlesque, de sentiment, de poésie, d'absurde, de connivence, de pleur, on mélange bien, et voilà. L'ordre n'a que peu d'importance, seul compte l'addition pour obtenir le bon compte. Histoire improbable ? Oui telle qu'elle est donnée, mais peu importe, nous sommes ici au cinéma, pas au journal télévisé. Je me souviendrai avec sourire du burlesque et du comique introduit dans cette histoire, car ce sont vraiment les meilleurs moments. De moments courts.
Après, reste Tom Hanks avec sa bonhommie si sympathique. Il est fort, il est convaincant, il est attachant et il sait faire rire. On peut se demander pourquoi n'a pas été choisi un acteur vraiment slave plutôt que de prendre un américain moyen et lui demander de prendre un accent slave, mais bon, les recettes d'Hollywood sont ce qu'elles sont. Il est juste regrettable qu'on en vienne à se demander si Viktor est stupide ou idiot, ou doué d'une philosophie personnelle totalement déstabilisante, mais le doute en revient au scénario, pas à l'acteur. Quand aux acteurs secondaires, on les cherche tellement ils sont assimilés à des meubles. Ou des plantes vertes pour les femmes. Et tous alignés en rang.