Film précurseur, d'une violence crue mais nécessaire Le Thé au Harem d'Archimède permet au méconnu mais précieux Mehdi Charef de dresser un état des lieux suburbain proprement percutant voire pratiquement indispensable. Tourné au mitan des années 80 ledit métrage se concentre sur la série de larcins perpétrés par Madjid et son ami Patrick dans une banlieue du nord-ouest parisien, duo évoquant à bien des égards le tandem gagnant des Valseuses de Bertrand Blier réalisé une dizaine d'années plus tôt.
Amoraux, revendiquant pour eux leur irrespect profond d'un ordre établi jusqu'à une transgression résolument rédhibitoire Pat et Madjid seront suivis à la trace par le cinéaste, nous laissant partager avec un soupçon de complaisance leurs méfaits notoires ; trafics en tout genre, vols à la tire, prostitution clandestine : les agissements des deux larrons seront forcément souvent indéfendables d'un point de vue éthique, essentiellement expliqués par leur conditionnement et par le quotidien d'une cité HLM que le spectateur ne quittera pour ainsi dire jamais - excepté pour se rendre dans d'autres lieux interlopes et crapuleux.
Anti-réactionnaire, d'un souffle aussi moderne qu’éminemment contemporain Le Thé au Harem d'Archimède saisit par son réalisme sans fioritures et son mauvais goût communicatif, offrant au superbement insupportable Rémi Martin un rôle de jeune voyou littéralement indiscipliné et complètement repoussant n'étant pas sans rappeler la figure malicieuse de Alexandre Delarge du Orange Mécanique de Stanley Kubrick ; à ses côtés Kader Boukhanef, moins limite et plus humain que son comparse, n'est pas en reste quant aux charges incombant à ce tandem de choc désespérément irrécupérable. Deux voyous donc, perdus dans la morosité d'une cité filmée sans emballage superflu, loin du Noir et Blanc glamour du chef d'oeuvre La Haine que Kasso réalisera dix ans plus tard mais définitivement authentique. Un classique que l'on se devra d'exhumer de l'oubli, et certainement l'un des tous premiers sur le sujet. Immanquable.