La boss des maths
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le 23 août 2023
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On est malheureusement bien obligé d’admettre que les Mathématiques ne sont pas le sujet le plus évident qui soit, quand on veut réaliser un film qui ait un minimum d’attrait commercial : non seulement nombreuses sont les personnes ayant développé depuis leur plus jeune âge une violente allergie à cette discipline perçue comme trop difficile, abstraite, voire inutile dans la vie pratique, mais, plus grave encore, la représentation de concepts complexes comme ceux des mathématiques avancées nécessite un travail scénaristique et de mise en scène qui sorte de la routine. On ne peut donc qu’applaudir à deux mains devant le courage d’Anna Novion, réalisatrice remarquée à ses débuts il y a plus de dix ans, mais ayant surtout depuis participé à l’aventure du Bureau des Légendes, d’avoir écrit et réalisé ce théorème de Marguerite, et surtout d’en avoir fait une petite réussite, un film passionnant.
Marguerite est une véritable « folle » des maths, travaillant sur sa thèse à Normale Sup et considérée comme quasi géniale par son mentor, le Professeur Werner (Darroussin, ambigu comme il se doit). Jusqu’au jour où, avec l’irruption à l’ENS d’un brillant étudiant issu d’Oxford, tout cela s’effondre, amenant Marguerite à littéralement disparaître. Le film va donc nous raconter la reconstruction progressive de Marguerite, d’abord grâce à une rencontre providentielle (Sonia Bony, solaire, qu’on a hâte de revoir), puis avec un retour à la recherche, loin des carcans du système.
Si l’on recherche des films ou des séries s’attelant à des thèmes similaires, on peut songer au Good Will Hunting de Van Sant (autour du génie mathématique), ou plus près de nous au Jeu de la Dame sur une « génie des échecs ». Mais ce qui différencie franchement la théorie de Marguerite, c’est le sérieux avec lequel les Maths sont traitées à l’écran, tant dans l’explication – sans doute vulgarisée – du sujet sur lequel travaille Marguerite (la conjecture de Goldbach, les nombres premiers) que dans la représentation à l’écran de la complexité théorique du travail de Marguerite : toutes les équations qui prolifèrent sur les tableaux et les murs pendant le film ont été apparemment vérifiées du point de vue crédibilité mathématique par une prof de l’ENS !
Si l’on peut exprimer un regret, c’est que le scénario suive finalement une construction trop classique, avec des étapes assez prévisibles, voire stéréotypées, caractéristique des différents genres auxquels il emprunte, du récit d’apprentissage à la rom com : un sujet aussi audacieux et traité de manière un peu moins confortable, voire conformiste, aurait pu nous offrir l’un des grands films français de l’année, surtout avec la mise en scène très précise d’Anna Novion, très juste dans son rythme et son attention aux personnages, et avec l’interprétation mémorable d’Ella Rumpf, qui rend crédible, puis touchant un personnage quasi asexué, parfois proche de l’autisme, qui va pourtant s’accomplir de la manière la plus pertinente – et finalement réaliste – possible.
Et puis il y a cette excellente idée de planter le film dans le 13e arrondissement, au cœur de la communauté chinoise, ce qui permet bien sûr d’introduire le sujet de la maîtrise mathématique du jeu – ici les parties clandestines de mah-jong – mais qui offre surtout l’occasion de voir à l’écran un Paris à la fois proche de nous – on n’est pas chez la bourgeoisie aisée qui squatte souvent le cinéma français – et exotique.
Le théorème de Marguerite est donc un film passionnant, qui passe de peu à côté de l’excellence, et qui mérite que le grand public oublie son aversion pour les Maths pour aller le voir.
[Critique écrite en 2023]
https://www.benzinemag.net/2023/11/05/le-theoreme-de-marguerite-danna-novion-la-boss-des-maths/
Créée
le 5 nov. 2023
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