Le Tigre est un de ces super espions franchouillards comme il en a fleuri un certain nombre au cours des années 60 (OSS 117, le Gorille...). Alliant la brutalité à la perspicacité, le Tigre, malgré ces vertus estimables, s'exerce ici dans le vide tant le scénario -Roger Hanin joue les chaperons d'un premier ministre turc venu en France acheter des Mirages- est parfaitement inconsistant, abracadabrant.
Il est vrai que Chabrol, qu'on est surpris de trouver à la réalisation d'un pareil film (quoique), joue pleinement la carte de la fantaisie. D'une part, en ne prenant au sérieux aucun des personnages, tous plus rudimentaires les uns que les autres; d'autre part, en réalisant avec une désinvolture et une ironie qui montrent à chaque instant combien le sujet l'indiffère. De fait, le film est doublement parodique, malicieusement parodique. Et son ton espiègle provient moins d'une volonté comique affichée que de l'attitude de Chabrol, jouant sans en avoir l'air avec les lieux communs du genre, sabordant consciencieusement la cohérence et la vraisemblance. Cette façon qu'il a de filmer des personnages insignifiants, ou d'en inventer d'extravagants, les rend réellement insolites. De sorte que le film, promis avec tout autre metteur en scène, au statut de nanar, prétend à un nouveau genre: le nanar caustique.