Je ne sais pas comment noter ce film.
White Tiger est un film emmerdant.
Lorsque j'avais croisé le Divéday et sa présentation aguicheuse, je pensais en appuyant sur play me retrouver devant un film de char, basé sur un duel entre un big boss allemand et de rouges prêts à tout pour affronter leur adversaire nazi et le détruire. Je m'attendais à un film de guerre, donc, ayant peur de tomber sur une sorte de Stalingrad à la J.J Annaud dans lequel les snipers auraient été remplacés par des blindés. Mais, en mon fors intérieur, j'espérai la bonne surprise de basculer dans un vrai film de tank, ces sous-marins terrestres, ces boîtes de conserves confinées, ces chasseurs qui, une fois chassés, sont quasiment assurés de mourir. D'une certaine façon je rêvais de retrouver l'âme de l'excellent "Bête de Guerre", mêlé au génial "Das Boot" pour évoquer la vie de ces équipages à sacrifier.
Les films de chars sont peu nombreux ; on pourrait, en plus de celui cité sur l'Afghanistan, évoquer le décalé "De l'or pour les braves" ou les films à grand spectacle type "Bataille des Ardennes", "Rommel" ou encore "Patton". C'est que la vie de tankiste est bien moins sexy que celle d'un pilote de chasse.
La séquence introductive (désolé pour les spoales, je ne vois pas comment faire autrement) est glaciale : un champ de bataille en mode traveling et zooms. Ici des cadavres calcinés, là des blindés éventrés ; là encore une tourelle renversées dans laquelle on retrouve la moitié d'un corps. Oui, la guerre est horrible. Oui, le cinoche russe a cette faculté de filmer la guerre avec une patte toute personnelle, éprouvante telle ce "Requiem pour un Massacre" qu'on ne peut oublier. Et puis vient ce tankiste carbonisé. Il ouvre les yeux. Brûlé à 90%, il vit encore.
Alors, tout bascule. Au départ, on peut se croire devant un épisode de X-files : le tankiste a perdu toute mémoire mais a guéri tel un phénix. Plus de lésions. Prêt à repartir au combat pour la Mère Patrie. Alors il caresse un char détruit. Car, oui, le tankiste-phénix écoute les chars. Il a même un don pour ça, pour entrer en contact avec le dieu des chars. Alors, on comprend que ce n'est pas X-Files mais un film onirique. Le Tigre Blanc, char fantômatique allemand qui dévaste les rangs des régiments blindés soviétiques en cette fin 44 - début 45, n'a pas d'équipage. Il sort de ces marais infectes, frappe, détruit, et repart. Le marais a quelque chose d'assez génial pour la guerre, un peu comme ces forêts putrides : il y a là les légions de Varus, le Marais des Morts de Tolkien, la jungle du Vietnam. Cette nature hostile que Malick a sublimé dans la Ligne Rouge. Alors, une nouvelle fois, en s'enfonçant dans le canapée, on comprend. Ce tankiste phénix ne chasse pas un char, il chasse la Guerre. La Guerre devient un démon incarné dans ce Tigre allemand. Comment combattre la Guerre éternelle ?
Et puis tout retombe. On arrive à Berlin, le 9 mai 1945, les Nazis capitulent dans une séquence interminable qui ne sert à rien si ce n'est à voir des types prendre en photo un état-major nazi en train de signer la capitulation. Après 20 minutes d'un chiantisme total, on retrouve notre tankiste ; il a réparé son char et veut y retourner, dans ces marais. Là-bas, tapi dans la brume, le Tigre Blanc l'attend. La guerre l'attend, éternelle. Puis, séquence hallucinante, on se retrouve devant Hitler qui explique qu'il a servi l'Europe ... reprenant donc son petit Mein Kampf des familles.
Comment est-il possible de noter ce film ?? Les moyens matériels sont déments et prouvent que les Russes savent faire bien mieux que nombre de production hollywoodiennes. Les combats sont bien filmés, les chars sont sublimés, la vie intérieur de ces équipages est criante de vérité. Le délire métaphysique, on peut totalement passer à côté, moi j'ai adoré. Ce concept de dieu des tanks, c'est génial. On occulte trop souvent cet aspect des combattants qui se forgent des codes, des rites pour survivre. Moi ce tankiste allumé m'a fait pensé de façon immédiate à ce mécano de Das Boot qui parle au Sous-marin et caresse ses machines avec de la dévotion dans le regard.
Oui mais voilà. La fin casse tout. Pourquoi ne pas avoir poussé plus loin le délire? Quitte à y aller, autant y aller à fond ! White Tiger c'est une sorte de Ligne Rouge gâché, un Das Boot inabouti, un faux nanard, un film non pas de guerre, mais sur la guerre et la psychologie qui peut l'entourée.
Ce film est une expérience, un peu à l'image d'un "Walhalla Rising". D'ailleurs venant de l'ami Nicolas Winding Refn, je l'attendais avec "Only the God forgives" et j'ai été servi. Ici c'est moins beau mais pas moins intéressant. C'est délirant, chiant, touchant, vraiment intéressant, parfois incompréhensible dans les choix narratifs. Le cinoche russe a vraiment une âme qui peut beaucoup apporter à la production industrielle car je ne m'attendais absolument pas à voir ça. Maudite jaquette de merde !
Je mets 7 pour vendre ce film. Je comprends tout à fait qu'on puisse lui coller un 4 voir moins au regard de véritables longueurs. Mais je crois qu'il faut voir ce film. Non, c'est une certitude.