Les pauvres, tout le monde les méprise. Amran est un jeune conducteur de pousse-pousse à vélo (ça doit avoir un nom...) qui a une mère malade et une chemise déchirée. Un jour, il sauve une jeune fille riche, Azizah, de deux gros relous. Elle l'engage pour aller tous les matins à son école de jeune fille et en tombe amoureux. Mais le père, M. Marzuki, assez avare, est victime d'un accident, renversé par la voiture de Genzalih, un jeune blanc bec sans scrupule. Ce dernier, hypocritement, gagne les faveurs du père, et dénonce le début d'idylle avec le chauffeur.


Tempête, giffle à la gamine, et les sbires de Genzalih tabassent ce pauvre Amran. Marzuki songe à faire épouser de force sa fille à Genzalih, mais ce dernier, alors qu'il se bat contre Amran, poignarde par erreur sa mère. Effaré, il retourne chez Marzuki, le menace d'un kriss et lui vole son argent. Amran arrive, sauve la situation (bagarre très longue). Les deux touretereaux convolent, leurs silhouettes se fondant dans la nuit.


Le scénario de ce mélodrame des familles est très carré, mais le traitement a la fraîcheur d'un premier film. Et les erreurs aussi :



  • des faux raccords qui font sourire : une scène de nuit, quand Genzhali surprend Amran dans le jardin, se poursuit au grand jour. Ou la scène des retrouvailles, où Amran est sur son pousse-pousse, puis brusquement à côté, bras grands ouverts. La mère, qui reçoit le couteau vers l'épaule, se fait bander... le bras par son fils.


  • Une composition de l'image parfois assez statique, quoiqu'efficace.


  • Des dialogues, il faut bien le dire, d'une niaiserie édifiante, et ce n'est pas la faute des sous-titreurs français (encore que "bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée" était drôle). Le monologue du père avare, qui fait son mea culpa et reconnaît que les apparences sont parfois trompeuses, en est un exemple. Ne vous attendez pas, d'ailleurs à une analyse marxiste des causes de la pauvreté : elle est dénoncée dans ses effets (elle avilit l'homme), mais pas dans ses causes.


  • Ah, et le film compte au moins 5 ou 6 numéros musicaux, où les acteurs chantent en play-back en prenant des pauses en lien avec la situation (Amran mélancolique au milieu des palmes, ou seul, déchiré, dans un décor de studio).



Malgré toutes ces faiblesses, qui classe le film au rang des téléfilms mélo, je n'ai pas envie de le détester. Car il donne un petit aperçu, surtout à son début, des rues de Singapour. Et pour avoir visité cette métropole hyperconnectée en 2014, je suis frappé, ici, de découvrir une ville où les plages, les forêts de palmier, les rues peu fréquentées existaient encore. Le film montre quelques aspects de la culture singapourienne : cet hindou accroupi derrière son écritoire qui fait le banquier, ce riche qui ne se départit jamais de sa canne, et dont l'avarice prête à sourire (les scènes comiques du père sont réussies), ces huttes ouvertes au vent, à la pluie, ces plages où pique-niquent des jeunes insouciantes. J'ai aimé tout cela, d'autant que le noir et blanc est tout de même fort beau. Le début évoque un peu un film néoréaliste, avec ce travelling sur un jeune garçon qui court tout en vendant son journal à la criée.


Vu à la Cinémathèque, dans une salle, comme vous l'imaginez, pas bien garnie.

zardoz6704
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le 13 juin 2015

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zardoz6704

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