Le Tombeau des lucioles par Maqroll
Isao Takahata nous livre une terrible peinture du Japon en guerre puis défait, se montrant ainsi l’égal d’un Kurosawa ou d’un Naruse, à travers une imagerie épurée mais bien loin d’être naïve. C’est toute la poésie japonaise qui est convoquée ici, depuis la forme classique jusqu’aux haïkus, dans un festival de mouvements et de couleurs à la grâce frôlant la perfection, comme dans ces œuvres miniatures des grands maîtres japonais. Dans une humanité livrée à la folie qui inaugure une ère de destruction sans précédent à la mesure de sa technologie créatrice d’armes impitoyables, Takahata met en scène un récit souvent teinté de cet humour particulier à la japonaise, fait de tendresse et de dureté mélangés. Un jeune adolescent va devenir adulte dans cette épreuve implacable, orphelin qui doit subvenir à ses besoins et à ceux de sa jeune sœur dans ce monde impitoyable. Les assauts des avions et les paniques qu’ils déclenchent sont prétextes à des images superbes avec le garçon courant à chaque fois en sens inverse et en profitant pour aller glaner dans les maisons de quoi survivre. Tout au long de leurs trajets quotidiens, les enfants baignent dans cette nature indissociable de la culture japonaise au même titre que le rythme des saisons. Quand la nuit tombe, ils sont invariablement accompagnés de lucioles, porteuses de lumière et d’espérance, véritables métaphores de ces humains, légers et éphémères. La fin, dont je ne livre bien sûr pas la teneur, est d’une émouvante et sauvage beauté qui prend aux tripes sans jamais faire vibrer la corde du trémolo facile. C’est une œuvre estimable qui a sa place dans l’histoire du cinéma de par sa conception rigoureuse et sa valeur de témoignage.