Le Torrent est la sixième réalisation d’Anne Le Ny. Le résumé est assez simple puisqu’il s’agit de l’histoire du pire menteur jamais mis en scène. Alexandre et Juliette vive une vie de couple parfaite et ont un fils. Un jour, Lison, la fille d’Alexandre issue d’une première relation vient voir son père dans les Vosges. Ce soir-là, plutôt que de passer la soirée avec sa fille, Alexandre va au théâtre avec Juliette. Lison fouille dans les affaires de sa belle-mère et tombe sur une clé USB qui contient des photos coquines de sa belle-mère. Et là c’est prodigieux, Alexandre et Juliette arrivent, donc Lison panique et va vite ranger les affaires qu’elle as pris à Juliette sauf la clé USB évidemment, qui tombe sur le tapis. Alexandre trouve les photos. Il y a une dispute et Juliette sort de la maison. Alexandre sort et la suit en voiture. Il la bloque contre un rebord de la route. Ils se réconcilient et elle monte sur le rebord pour passer de l’autre côté de la voiture mais elle glisse et tombe dans un ravin. Le résumé peut paraître long mais c’est nécessaire pour comprendre le nombre d’inepties par lesquelles on passe pour pas grand-chose au final. Parce que la logique voudrait qu’Alexandre appelle la police. Mais non ! Alexandre et sa fille Lison vont tout faire pour cacher un crime qu’ils n’ont pas commis.

On arrive donc au premier point de ma critique : c’est écrit avec les pieds. Lison préfère cacher la robe de Juliette que les photos compromettantes. Alexandre va se coucher alors que la mère de son fils vient de s’éclater le crâne sur un rocher. L’amant de sa femme jette un bouquet de rose sur le cercueil. C’est-à-dire que tout le monde réagit d’une manière complétement folle à un simple accident. Je veut bien que parfois un personnage réagisse bizarrement, mais là on frôle le ridicule. D’ailleurs, les gens rient énormément dans la salle. Le film fait rire parce qu’on y croit pas une seule seconde. On nous sert une ambiance à la David Fincher mais avec une écriture telle que Fincher en meurt pour pouvoir se retourner dans sa tombe. Encore une fois c’est dommage parce que l’ambiance aurait pu être vraiment réussite. Le décor des Vosges dans la brume s’y prête mais pourtant rien ne va.

Et puis c’est aussi dommage pour les acteurs. On aime Anne le Ny, on aime André Dussollier, on aime José Garcia, mais le film ne leur rend pas hommage. Anne Le Ny est inexistante, c’est le commissaire le moins charismatique du cinéma. André Dussollier est fade, sauf quand son personnage se trouve en présence de Lison, là ça fait peur, il y a un truc malsain dans l’intention de jeu. On a l’impression que le personnage a un truc derrière la tête. José Garcia en fait des tonnes pour pas grand-chose, là-dessus il est raccord avec son personnage. D’ailleurs, en regardant le film, il m’est venu cette réplique de Kaamelott quand Arthur dit à propos d’une tarte : « Le plus intéressant, c’est comment est-ce que vous arrivez à faire un truc aussi immonde avec des ingrédients normaux ? ». C’est exactement ce que j’ai ressenti vis-à-vis de ce film. Tout est fait pour que ça marche mais ça ne marche pas et c’est quasiment entièrement la faute de l’écriture. Je pense qu’il faut un minimum être proche des gens dans l’écriture surtout quand on essaye de développer des situations peu ordinaires. Un des trucs qui m’énerve le plus c’est de voir des personnages de films d’horreur complétement idiots. C’est ce qui fait qu’on regarde Souviens-toi l’été dernier pour se marrer. Les personnages réagissent tellement à l’opposé de ce que les gens feraient normalement qu’on en vient à se dire qu’ils ne veulent pas vraiment survivre. C’est pareil avec ce film.

Sauf que Le Torrent a quelque chose en plus. Il a des relents de téléfilm, et qui plus est, de mauvais téléfilm. Selon moi ça vient du fait qu’on ne va pas au bout des choses. C’était l’occasion de faire des plans magnifiques, des plans séquences de déambulations dans la maison, des mises en scènes très signifiantes. Mais au lieu de ça, on reste sur des plans tailles, des plans fixes, on reste à la porte de la morgue alors que la réalisatrice aurait pu tenir une superbe séquence avec de l’horreur, des remords, de la tension dans la confrontation avec le cadavre. C’est dommage parce que les plans sur les cours d’eau apportaient un côté très intriguant mais le reste du film anéanti cet effet. On a l’impression que le film veut être tous public donc c’est d’un ennui mortel. En parlant d’ennui mortel, Anne Le Ny ne tente rien d’extraordinaire. Le film est extrêmement classique. Le peu de rebondissement qui ont lieu sont attendu.

Il y a un vrai problème d’intention dans ce film. On a l’impression qu’elle veut reproduire des choses, qu’elle se situe dans un simple exercice de style. Le film n’as pas d’âme, il peut être autant réalisé par Anne Le Ny que par mon voisin. C’est tout ce que je déteste dans le cinéma. Je pense qu’on doit faire du cinéma dans une démarche personnelle et qu’on doit faire avant tout un film pour soi mais là on a l’impression que le film est fait pour plaire aux gens, ou pour prouver qu’elle sait faire un thriller et que du coup on prend pas de risques, ou qu’on délaisse certaines audaces personnelles. Le fait que le film possède un côté ridicule encore ce n’est pas très grave. Encore une fois, Souviens toi l’été dernier, Une nuit en enfer, Le Pacte des loups, quand ça passe à la télévision je me rue dessus. Mais c’est parce qu’on sent que les réalisateurs ont fait les films pour eux même, qu’ils ont fait ce qu’ils aimaient, et qu’ils ont tentés des choses.


JockyRorsch
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le 23 nov. 2022

Modifiée

le 23 nov. 2022

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JockyRorsch

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