Adapté du roman de Henry James (1898), « Le Tour d’Écrou » fut l’objet d’une curiosité artistique au fil des années. Du cinéma à la télévision, en passant par l’opéra, l’œuvre hérite d’une popularité assez discrète, car connue de lecteurs aguerris dans le genre. Plusieurs versions ont donc précédé ce dernier essai, concrétisé par Tim Fywell. Egalement modeste dans ses courtes réalisations, il attire peu de regards mais en profite pour adapter les nouvelles technologies son style très épuré. Malgré tout, ce genre d’histoire est conté comme pour bercer un enfant sous les feux du jugement rationnel et surnaturel.
Et au lieu d’avoir une âme égarée, nous en avons deux qui méritent toute notre attention. Flora (Eva Sayer) et Miles (Josef Lindsay) sont orphelins et hébergés dans une demeure familiale où les secrets dominent les lieux. On sentira constamment une ambiguïté quant à la situation présentée initialement. Si l’action compte présenter le traumatisme de la nouvelle gouvernante Anne (Michelle Dockery) afin d’introduire le mal à combattre, il s’agit bien là de la patte de l’auteur qui joue avec frénésie, une approche plus abstraite de la « distance ». Les relations entre les enfants et la gouvernante prend l’air d’un jeu de cache-cache. Cependant, la partie prend rapidement fin et répète son discours par des apparitions qui en disent long. Le doute ne sera qu’éphémère pour laisser place à une autre traitement qui requiert plus d’attention, faute d’un montage trop linéaire.
Au-delà des inquiétudes fantomatiques qui règnent dans les esprits d’Anne, le récit suggère bien plus. Maladroitement présenté, la sexualité est une étude à part entière au centre de l’épouvante. Bien entendu, il y aura toujours cette réflexion sur les origines de ces perturbations et nous aurons nos réponses au bout, mais est-ce vraiment ce que l’auteur souhaitait faire entendre ? Si c’était le cas, le choix du réalisateur manque de rigueur et ne pousse pas sa mise en scène dans la bonne direction. On saisit alors distinctement deux types de lecture, une dans le fantastique et l’autre dans la morale. Or, c’est bien les histoires de fantasme et de perversion qui priment au nom de la peur.
Alors qu’on se cantonne à camper dans les yeux et la tête d’Anne, on ne laisse pas suffisamment de place pour les enfants. Cela se justifie aisément dans l’approche de l’enfance qui semble ouverte et incontrôlable aux pulsions. Sans éducation parentale, disons-le par amour, il ne faut pas grand-chose pour induire une idée qu’un enfant ne saura exploiter naïvement. Tout la question d’innocence est donc légitime, même en associant le caractère pervers qui peut les atteindre. Mais en ajoutant une pointe de paranormal, il en découle davantage de sens. La possession est un acte qui va contre le gré de cible en question. On y voit une agression et Anne l’entend ainsi et tente d’y mettre un terme par le soutien. Malheureusement, chaque protagoniste que l’on suit, de près ou de loin, est destiné à devenir une victime de sa bonté. Les rapport intimes annoncent la couleur et deviennent de plus en plus complexes au fur et à mesure que l’on obtient d’informations. Pourtant, nous autres spectateurs possédons la clé pour résoudre l’énigme. Savoir quoi en faire et comment s’en servir, voilà tout l’enjeu intellectuel que prône l’adaptation, qui se loupe dans sa démarche, elle-même ambiguë et peu convaincante…
Ainsi, nous avons droit à un exemple type du téléfilm qui n’expérimente en rien, ou très peu, le caractère horrifique du drame. Il préfère transposer les notions de retrait et de confiance dans un support trop illustratif pour soumettre le bon doute quant à la nature du projet. Si cette dernière version du « Tour d’Écrou » échoue dans sa réalisation limitée, il reste tout de même intéressant de s’interroger sur les piliers de l’intrigue. Or, une œuvre aussi incomplète ne vaut pas tant le détour et bien d’autres réalisations méritent amplement l’analyse qui leur est prédestinée. En résumé, les récentes adaptations directes du roman n’ont pas fleuri comme il le fallait. « Les Innocents » de Jack Clayton reste la référence, puis « Les Autres » d’Alejandro Amenabar reste raisonnable devant le recyclage minutieux des acquis de Clayton. L’autre valeur sûr serait de se pencher sur les écrits de James, qui foudroie littéralement nos sens comme nos émotions.