Lorsque le film est sorti au cinéma, j'y étais allé un peu par militantisme et beaucoup à reculons, échaudé - ou plutôt refroidi - par les quelques critiques lues ici ou là et une bande annonce qui faisait craindre une mise en scène aussi tapageuse que la bande son. Je redoutais de me faire embarquer dans un teen-movie un peu creux ou dans un long vidéo-clip, et j'avais un peu passé l'âge...
Eh bien j'avais été très agréablement surpris. Si l'on excepte les 15 premières minutes un peu irritantes et une fin à l'américaine un tantinet cucul, sans parler du scénario mince comme du papier à cigarette et tout aussi fumeux, le film fonctionne parfaitement et l'on s'attache aux personnages, bien servis par des acteurs qui sonnent juste - sauf peut-être le coach un poil caricatural - avec une mention spéciale pour Fabien Libiszewski, étonnant de naturel, quoiqu' acteur amateur.
Et il s'agit bien d'autre chose que d'un film sur les échecs. Même si les travers du milieu échiquéen sont bien montrés - le vampirisme de l'entraîneur, l'obsession pour le jeu sous toutes ses formes, l'infantilisme et l'égocentrisme de certains joueurs, la déconnexion avec la "vie réelle"- le roi des jeux n'est en fait ici qu'un prétexte à un récit d'apprentissage et à une fable initiatique sur le passage à l'âge adulte. De plus, le film recèle une profondeur insoupçonnable au départ. Certes, la mise en scène est appuyée, mais les images sont belles, l'ambiance onirique est envoûtante, les couloirs labyrinthiques de l'hôtel soulignent parfaitement l'égarement du héros, qui frôle la folie, - clin d'oeil à "Shining" - et l'atmosphère étouffante de ce huis-clos suggère très bien l'enfermement des personnages.
Bref, "Le Tournoi" est un film à voir, même si l'on ne connaît rien aux échecs.