L'art Burt
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Parmi les dizaines de films de guerre que le Professore a vu depuis les années 70, il manque toujours quelques icônes : Le Train de John Frankenheimer en fait partie. Et voilà que Prime Video nous annonce que le film va quitter la plateforme, et nous voilà comme qui dirait, obligé de le regarder.
Et là, le choc.
La carrière de John Frankenheimer ne nous jamais ébloui, c’est un de ces artisans talentueux d’Hollywood qui n’ont pas vraiment d’œuvre, ni même de coup d’éclat. Dans sa filmographie, on retient 7 jours en Mai, Un Crime dans la tête, Ronin…
Rappelons l’argument de ce Train : 1944, la deuxième DB est aux portes de Paris, les Allemands fuient la capitale et Waldheim, un colonel allemand (Paul Scofield) se promène, de nuit, dans les couloirs du Grand Palais. Grand admirateur de peinture, il est venu voler ces toiles pour les emmener en Allemagne, au grand désarroi de la conservatrice (Suzanne Flon)… Celle-ci s’adresse à la Résistance, pour qu’elle bloque ce train pendant quelques jours, le temps que Paris soit libéré. Mais Labiche (Burt Lancaster), chef de la résistance cheminot, a d’autres chats à fouetter : stopper le ravitaillement des Allemands.
Faut-il sacrifier une quelconque humaine pour quelques tableaux ? Le film va poser cette question philosophique comme un fil rouge, sans jamais vraiment y répondre. Mais pour cela, il convoque tous les talents possibles du cinéma. Car, n’hésitons pas à le dire (à CineFast on ne fait pas dans la demi-mesure), ce film est parfait.
La photo d’abord. Un noir et blanc somptueux (dû à deux chef op français, Jean Tournier et Walter Wottitz) qui met en valeur les visages couverts de charbon de Michel Simon et de Burt Lancaster, deux genres de beauté, on en conviendra, très différents. Les cadrages sont magnifiques de précision : un premier plan avec des clous de rail saboté, et au fond, en flou, les bottes allemandes qui s’approchent. Le casting est parfait. Mélange d’acteurs français connus (Suzanne Flon, Michel Simon, Jeanne Moreau) et d’autres au visage connu (Jacques Marin, Albert Rémy, Charles Millot), appareillés à un Burt Lancaster minéral en résistant antihéros. En face, un couple illustrant deux visions de la défaite allemande Scofield en colonel jusqu’au-boutiste et Wolfgang Preiss en commandant désabusé.
La construction du film elle-même est un chef-d’œuvre d’accumulation d’enjeux : Pourquoi Michel Simon demande de la monnaie sur son billet de cinq francs ? Pourquoi Jeanne Moreau n’a pas très envie d’aider la résistance ? Pourquoi Labiche ne veut pas sauver les tableaux ? Tout cela s’empile comme la pyramide de Khéops, qui aboutit au chef-d’œuvre final, dans la mise en scène serrée de ce grand croyant dans le cinéma qu’est John Frankenheimer. Très peu de dialogues, aucune explication inutile, l’action est scandée par le montage, la discrète musique de Maurice Jarre, et les bruits diégétiques…
Comme cette locomotive à l’arrêt, dont les échappements de vapeur ponctuent le final.
Ils n’ont pas fini de nous hanter…
Créée
le 11 janv. 2025
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