Un peu comme tout le monde, j'ai dans mes premières années de lecture tâté d'Agatha Christie. J'en ai lu deux et j'ai laissé tomber. Je me rappelle ma déception, mais je ne pouvais pas encore formuler exactement sa cause. Sans me replonger dans ses écrits, je pense avoir une idée plus précise du problème.
Je pensais trouver le puzzle aux morceaux éparpillés dont une révélation finale révèlerait l'imbrication implacable. En fin de compte, et particulièrement dans ce type d'enquête ne s'encombrant pas de méthodes scientifiques, il est possible de réarranger les éléments d'une infinité de manières. On peut toujours inventer une théorie qui permette de démontrer telle ou telle conclusion. Il suffit de prendre dans le réel infini les parties qui conviennent à notre interprétation, et de les arranger à notre convenance.


De la même manière, bien que certains s'en défendent, les historiens recréent l'histoire. Ils disposent d'éléments épars, qu'ils accommodent à leur sauce, en les associant à d'autres éléments déjà établis, en remplissant les trous d'une tapisserie mitée selon ce qu'ils considèrent comme vraisemblable. Ils ne doivent pas oublier qu'un seul élément nouveau peut changer la disposition totale des éléments - alors, la métaphore de la tapisserie ne convient plus. On a des bouts de mosaique. Un objet en trois dimensions laisse moins de place au hasard de la reconstitution. Et il préserve les traces de ce qu'il a contenu. Les moyens scientifiques rendent les hypothèses moins arbitraires. Mais ils ne permettent pas de deviner les intentions des acteurs, ni toutes leurs interactions. La vie reste insaisissable.
Il n'y a rien de technique dans la méthode de miss Marple. D'ailleurs, elle s'est formée en lisant des romans policiers!
Il faut le reconnaître, ce film se conclut de la même manière que n'importe quel épisode de NYPD Blue : l'identité du coupable ne sera jamais prouvée (l'est-elle jamais?), seuls sont extorqués de manière retorse des aveux.
Dans ce cas précis, il semble même que si miss Marple n'était pas venue mettre un terme aux machinations en cours du criminel, elles se seraient effondrées d'elles-mêmes. On peine à deviner à quelle conclusion il espérait aboutir.


Cacher la morte dans un sarcophage donne lieu à une amusante scène de découverte, mais il aurait été temps qu'il la vire de là. Et qu'il s'agisse de sa femme, que personne ne connaît de vue, et qu'il espère se remarier sans que la disparition de ladite femme pose problème! Et que tous les autres héritiers disparaissent pour ne laisser comme seul bénéficiaire que son couple, une telle conclusion aurait-elle permis de continuer à détourner les soupçons de lui? Espérait-il en fin de parcours faire incriminer sa future femme et seule héritière?


Ce film constitua le premier d'un série. On comprend son succès : un spectacle familial et une charmante représentation de la campagne anglaise. Au début des années 60, ce style de film bénéficiait déjà d'une grâce désuète. Son intérêt réside moins dans l'enquête que dans son ambiance et ses personnages - tel ce successeur sympathiquement disgracieux, Columbo, dont les démonstrations reposent aussi sur un indice crucial autant qu'invraisemblable.


Pour revenir aux réticences que j'ai formulées vis-à-vis de l'enquête, elles s'appliquent particulièrement aux systèmes de pensée qui prétendent intégrer tous les éléments de la vie humaine pour en prédéterminer le cours. Tous les prophètes de fin du monde ou de la fin d'un monde qui interprètent la réalité à travers le prisme étroit de leur spécialité, en particulier quand elle consiste justement à dégommer les systèmes de pensée aux déclamations apocalyptiques (je pense à Onfray, qui ne réussit pas à se différencier de ses prédécesseurs en "déclin de la civilisation" et "fin de l'histoire", d'autant qu'il ne se situe pas au niveau d'abstraction d'un Hegel, mais plutôt du côté bricolorigolo d'un Spencer ou d'un Fuku...truc).
Il est toujours possible de construire un système en piochant de tous les côtés les trucs qui renforcent nos préjugés, en plus l'éclectisme est moins rébarbatif que l'examen consciencieux d'une question précise. Mais bon, ça fait pas trop sérieux.
On a assez de recul pour prendre conscience des limites de nos grotesques capacités d'anticipation. La science-fiction est un exercice périlleux et qui paie rarement - or Onfray est particulièrement inepte en matière scientifique, lui qui se prétend matérialiste sans réaliser qu'il est le dernier à utiliser ce terme, que les chercheurs se gardent bien de s'appliquer. Ce n'est qu'en faisant fi de la perplexité de la communauté scientifique devant la nature de la réalité, que l'on peut encore se présenter ainsi. Et faire abstraction de ses recherches lorsqu'on veut analyser l'histoire, c'est se tirer une balle dans le pied. Il est plus facile, au crépuscule d'une vie consacrée à l'étude des religions (et de la philo, ok), d'affirmer qu'elles sont l'élément moteur fondamental de l'histoire. Je n'ai rien contre l'influence des "superstructures", mais là c'est un point de vue étriqué et pas franchement matérialiste.
Hors sujet!? Ou bien je dégomme par la bande...(et puis je ne peux pas critiquer un livre dont je n'ai lu que des bribes, non plus)

ChatonMarmot
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le 4 nov. 2017

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