Prison de la Santé, Paris, un jeune homme du nom de Gaspard, propre sur lui et respirant la gentillesse, est transféré dans une cellule exiguë où quatre codétenus y sont déjà entassés. Dans ce confinement, où l’homme couche à même le sol, garder un secret n’est pas envisageable. Gaspard est donc rapidement mis au parfum, les prisonniers veulent se faire la malle. Tout le monde participe aux préparatifs en creusant, sciant ou guettant. Au bout de ce tunnel, les égouts de paris synonymes de liberté retrouvée.


Ultime film de Jacques Becker, Le Trou est certainement la plus belle pierre apportée par le réalisateur au cinéma français. Dans un environnement frôlant le huis clos, le souci du détail et le suspens permanent rend le film haletant. On sent que cette évasion est une course contre la montre et que chaque jour de passé fait diminuer les chances de réussite.


L’amitié et la fraternité ont une place importante dans le film. Les personnages ont chacun des traits de caractère bien spécifiques et sont complémentaires et unis comme les cinq doigts de la main.


Derrière ce magnifique film, se cache une ombre pernicieuse, celle de la collaboration. Un Salopard du nom de José Givonanni qui écrivit le roman Le Trou, sorte d’autobiographie sur son évasion ratée de la Santé en 1947. Intéressé par l’histoire, Becker contacta Givonanni pour adapter son livre. Par la suite, celui-ci écrivit beaucoup de livres et participa comme scénariste ou dialoguiste à de nombreux films. Ce que Becker et ses codétenus ne savaient pas la raison de son emprisonnement, raison qui ne sera révélé que dans les années 1990 par un journal suisse. Givonanni fut durant l’occupation un collabo comme de nombreux autres gangsters de l’époque. Condamné pour collaboration et triple meurtre, il sera condamner à mort pour les meurtres et à 10 ans de travaux forcés pour les actes de collaboration. Gracié, puis bénéficiant de remises de peines successives, il restera en tout et pour tout 11 ans en prison. Une pensée pour les vieux cons qui trouvent que nous sommes devenus un pays laxiste et qu’avant c’était mieux…


Le film termine en apothéose. Le trou étant terminé, les codétenus se préparent pour la grande évasion. Après de tendres et fraternelles embrassades, Geo regarde une dernière fois par le judas de la porte. Rien à gauche, mais en regardant à droite, horreur ! Une armée de matons est tapie, attendant un signal pour bondir et prendre en flagrant délit les détenus. La surprise, puis l’effroi, puis l’effroyable compréhension passent en moins d’une seconde sur le visage de Geo, Roland, Manu et Vossellin. Mains tendus, visage déformé par la rage, Manu saute sur le fragile Gaspard pour l’étrangler. Car voilà la trahison du jeune homme est mise à jour. Convoqué la veille par le directeur du pénitencier pour lui apprendre que sa femme retirait sa plainte et qu’il serait libéré sous peu, Gaspard n’a pas tenu. Intelligent, voyant tout de suite l’impasse de sa situation, il décide de tout raconter. A quoi bon s’enfuir s’il est libérable ? Il serait condamné à de nombreuses années de prison et pour de bon cette fois-ci. Et les copains ? Putain les copains ou lui ? Quel choix cornélien ! Sa décision sera certainement son fardeau à porter pour le reste de sa vie. Roland l’a compris et sa dernière phrase, adressée à Gaspard, est lourde de sens :



Pauvre Gaspard


Vincent-Ruozzi
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le 30 nov. 2015

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