“Pour me mettre dans sa poche, il faut d'abord mouiller, puis sécher, enfin repasser...
Qui suis-je ?" SC vous dévoile l'énigme (adaptation libre de la citation d'Henri Troyat): ci-après.. ...
C'était bien sûr, le certificat d'études primaires, ou encore CEP qui jadis, sanctionnait la fin des études obligatoires et de la classe de première, la réussite d'un examen final que beaucoup de bacheliers rateraient de nos jours ! Cette réussite préludait à la vie active et était abondamment fêtée : repas de famille, décorations vestimentaires du lauréat, retentissement de pistolets à pétards, cortèges : tout était prétexte à festoyer et rigoler...
Les plus intelligents, ou les plus friqués, étaient orientés vers l'éducation secondaire et leurs lycées dispensant des études classiques avec latin, puis grec)
Ceux qui obtenaient le CEP étaient du reste bien mieux vus et courtisés de la gent féminine parce que sûrs d'avoir un bon métier, fonctionnaire par exemple, et de pouvoir entretenir une épouse... Mais que vient donc faire le diplôme dans ces lignes vous interrogerez-vous ?
A cause du scénario : l'histoire retrace l'épopée de Hippolyte, un peu "le corniaud du village" qui, pour hériter de l'auberge "Au trou normand" que lui lègue son oncle, doit retourner à l'école pour obtenir son certificat d'études (CEP) Sinon c'est sa tante qui en sera la légataire, et bien sûr, en femme à la poigne de fer et de surcroit vénale, elle va tout faire pour entraver la réussite du neveu... En se servant même de sa propre fille comme chèvre, superbe créature dont rêvent tous les garçons du village... (Première apparition de Brigitte Bardot au cinéma, et qui ne s'en tire pas trop mal malgré un manque d'assurance en elle) alors que la fille institutrice du directeur de l'école va elle, lui donner des cours particuliers !
Cette aventure surannée évoque les photos dentelées aux couleurs sépia, ou un peu jaunies des photos d'antan... Dommage: ce film a été malheureusement colorisé, ce qui lui enlève beaucoup de son charme de jadis et son côté conte.... Pas si surprenant, la scénariste n'est autre que Arlette de Pitray (arrière-petite fille de la comtesse de Ségur) écrivain français du XXe siècle, biographe, romancière, scénariste, et fondatrice du Musée de la comtesse de Ségur dans l'Orne...
Quant au "Trou normand", c'était le nom de baptême de nombre de restaurants à cause de la coutume initiée au seizième siècle par messire Gilles de Gouberville qui distilla pour la première fois du cidre dans son château de Mesnil-au-Val (Manche) et fabriqua ainsi une eau de vie.
Gnole, bistoule ou pousse-café selon son appellation et sa région...
Cet alcool très fort, se buvant glacé, avait la propriété thérapeutique affirmait-on (notamment leurs distilleries) de dilater les parois de l'estomac créant une impression de vide propre à ingurgiter sans satiété les plats les uns après les autres : de tous temps, les repas festifs étaient interminables... C’est le calvados qui sera à l’origine de la tradition gastronomique du trou normand, mais genièvre dans le Nord, ou encore Armagnac et même de la vodka... Cette tradition a pris du plomb dans l'aile avec la baisse de consommation généralisée d'alcool due aux alcootests et risques de pertes associés du permis de conduire automobile !
L'aventure se déroule en 1952 et a été enregistrée en décors naturels dans le pays d'Ouch et notamment de son village de "La vieille Lyre" (Courteville dans le film" mais aussi des environs, relativement épargnés au cours de la seconde guerre mondiale... Nous ne sommes qu'à sept ans de la fin des hostilités nazies et la reconstruction immobilière est loin d'être achevée... On peut découvrir des panneaux directionnels routiers flécher Évreux et Conches montrant le lieu de tournage... Si les magasins du film ont disparu, les habitants eux ont la mémoire tenace et tiennent à garder le souvenir de ce tournage, même s'il n'existe plus qu'un témoin survivant de ce tournage, exilé lointain... Le garage lui a été reconstitué avec sa pompe à essence d'origine... Une statue de Bourvil devrait aussi attirer le touriste et le village accueillerait avec plaisir tout tournage.. Calva distillé de contrebande (le meilleur) garanti ?
Si l'instituteur du film n'est pas en blouse grise comme tous ses confrères, le poêle à charbon central lui est bien présent dans la classe de l'école... Le texte est ponctué d'expressions ou jeux de mots d'époque comme "minus habens" (minable) ou encore "compliment d'objet direct"... L'humour, les réparties, et les sautillements de Bourvil sont aussi d'époque et montrent qu'on se contentait encore de peu pour rire, et faire oublier les angoisses de la guerre... Il serait vain de vouloir noter ce film autrement que d'une manière neutre, compte-tenu de la valeur patrimoniale de ses images, de son ambiance...
Jean Boyer ( ( avait réussi cette année là un coup de maître : 3 915 583 entrées en salles, avec une dixième place au box-office sur les 35 films de 1952 ayant accueilli plus de deux millions de spectateurs... Un vrai plébiscite pour le réalisateur qui la même année obtenait une quatorzième place avec "Nous irons tous à Monte-Carlo" qui n'est pas resté gravé dans les mémoires, en tout cas pas la mienne. Mais aussi "Coiffeur pour dames" ! Jean Boyer était très productif et aura réalisé trente-huit longs métrages au-cours de sa carrière, celle-ayant été interrompue par sa mort après une intervention chirurgicale...
Bourvil étant aussi chanteur, on doit subir cette épreuve à la mode à l'époque de tenter de lancer un tube ayant ici avorté dans l’œuf, Dieu merci, et on échappera pas non plus à la musique de Paul Misraki qui aide à mieux comprendre la déferlante et le succès de la musique yéyé des teenagers de l'époque.
Du reste, le son mériterait d'être entièrement revisité... J'ai découvert aussi quelques voitures de jadis dont un camion Dodge probablement recyclé de guerre, mais aussi une Peugeot, et beaucoup plus rare : une Nash dont la particularité était d'avoir les roues avant carénées...
Le casting constitue à lui seul, un vrai musée Grévin des meilleurs comédiens de l'époque... Parfois moins connus comme Jack Ary, éternel condamné aux seconds rôles mais qui tourna pour 1952 pas moins de sept films ! Sans compter les non-crédités...
"J'irai revoir la Normandie" "Made in Normandy" ? Et si vous profitiez de cette occasion ?
Paris 1° le 22.11.2023-