Étonnant film allemand de proto-science-fiction sorti pendant la première guerre mondiale qui suit un ingénieur, présenté comme visionnaire et révolutionnaire, dans sa quête professionnelle : la construction d'une voie ferrée sous-marine au milieu de l'Océan Atlantique pour relier la France aux États-Unis en passant par les Açores.
Très drôle, donc, si l'on se réfère au contenu qui délimite un genre étonnant, pas franchement science-fictionnel, mais étonnamment avant-gardiste. C'est un peu de l'ordre du fantastique réaliste, une sorte de prophétie fictionnelle — le tunnel sous la Manche sera construit 70 ans plus tard en 1988 ! La prophétie va même plus loin, lorsque les avancées du premier voyage en train une fois les travaux terminés (ils auront duré 26 ans) sont retransmises en direct d'un bout à l'autre de la planète : "with tele-kinematographic equipment, New York's biggest news agency was broadcasting the trip worldwide simultaneously". Ces éléments témoignent une modernité assez impressionnante. Un saut technologique qui fait penser à un autre, 10 ans plus tard, quand Marcel L'Herbier inventera Internet (ou presque) dans "L'Inhumaine".
Sorti la même année que "Birth of a Nation", "Le Tunnel" montre les rêves de son entrepreneur protagoniste, depuis le travail de persuasion auprès des investisseurs jusqu'à l'achat des terres et le recrutement des ouvriers, en passant par la gestion des conflits, des grèves, des accidents, des incendies volontaires, et de tous les soucis qui ne seront à aucun moment suffisants pour entraver son aspiration pour la construction du tunnel. Dans les passages centrés sur les chantiers, on se croirait dans les mines de "Germinal", avec les conditions difficiles des travailleurs bien soulignées.