Qu'il est bon d'avoir tort ! Il serait en effet réduction d'aborder le film comme un simple remake du M de Fritz Lang sorti 22 ans plus tôt. S'il cite bien quelques éléments clés du cadre narratif, il n'en singe ni la structure ni la mise en scène.
Rien que d'un point de vue formel, le film n'a rien à envier à son prédécesseur. Les scènes de nuits sont d'une beauté glaçante. Barreto a une manière très particulière de cerner les contours d'un espace et de connecter les visages des personnages qui y évoluent. Un éclairage qui n'hésite pas à les lacérer et des cuts parfois très rapides qui regorgent d'éloquence tout en installant une ambiance très intense.
Sa scène d'ouverture me parait tout aussi "mythique", alors même qu'elle n'a strictement rien avoir sur le fond et sur la forme. Un jeu de surimpression magistral mêlant des tâches de Rorschach avec le regard du présumé coupable noyé dans ses souvenirs. Il illustre la volonté d'explorer quelque chose de différent, plus portée sur l'exploration des états d'âme du personnage...ou plutôt des personnages. Toute la réussite du film est en effet de décentrer la place du tueur en lui faisant partager l'affiche avec un enquêteur et une "proie". Un trio réunit par un fil rouge bien subtilement déroulé : une immense frustration qui les ronge. Leurs pulsions. Le regard des autres, surtout de leur proche. Leur condition sociale. S'ils partagent le même bouillonnement intérieur, celui-ci s'exprimera de bien différentes façons.
Le film entend développer l'ambiguïté de chacun d'entre eux pour ensuite mettre en lumière la justice humaine via une conclusion extrêmement sèche que j'apprécie particulièrement. Elle laisse au spectateur le soin de statuer sur le verdict et la question entourant les notions de responsabilité et de maîtrise de soi.