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Le Ventre de l'Amérique
7.5
Le Ventre de l'Amérique

Court-métrage documentaire de Luc Moullet (1996)

Les Etats-Unis sont la grande puissance mondiale. Mais ce qui plait à Moullet, évidemment, c’est moins de montrer sa franche réussite que celle de l’ennui et l’obésité, montrer qu’il existe une Amérique profonde, très loin du rêve qu’elle véhicule à Hollywood. Il choisit d’aller filmer Des Moines, dans l’Iowa. S’il a choisi Des Moines c’est entre autre par plaisir politico-cinéphile puisque la ville se situe sur la route, à égale distance, de Winterset, ville de naissance de John Wayne et Marshalltown, ville de naissance de Jean Seberg. J’ai beaucoup pensé au We blew it, de Thoret, devant Le ventre de l’Amérique, qui joue du road movie au travers des miettes d’un rêve voire de son illusion, coincé dans un monde aussi désuet qu’il peut l’être dans nos campagnes, à Foix ou ailleurs. C’est une ville qu’on verrait bien aujourd’hui ériger ses drapeaux à la gloire de Trump. Si elle semble autarcique et hyper véhiculée, comme un village perdu dans lequel l’autoroute n’arriverait pas, à l’instar de celle que l’on voit dans le Cars de Lasseter, elle ne dégage pourtant rien de familial, aucune chaleur humaine – Les dernières minutes à ce titre sont cinglantes : Un chauffeur de bus aide une femme en fauteuil roulant à descendre de son véhicule, puis l’abandonne là sur le parvis de rien, immense parking faisant office de désert de béton, où la vie semble disparue depuis longtemps, où l’on contemple la mort avant l’heure. On se croirait presque dans les fictions récentes de Virgil Vernier, on pense beaucoup à Andorre, Mercuriales ou Sophia Antipolis. D’autant que la voix off de Moullet se fait plus rare, moins ironique, elle constate parfois amèrement. Les images sont trop fortes. La banalité l’emporte : Le centre de Des Moines abrite un quartier de gratte-ciel, c’est un centre propice au travail, un pôle d’activité dépourvu de lieux d’évasion – On y trouve aucun café, aucun lieu de culture – bref il n’y a pas de vie ici, les gens apparemment se croisent dans d’immenses corridors au premier étage des immeubles. Puis sur trente kilomètres, dispatchées en étoile, se trouvent des routes jonchées par des habitations – Dans lesquelles Moullet finira par entrer, en reporter curieux et silencieux, assistant à un diner. Même si l’emphase de Moullet frappe probablement encore, ça semble être d’une tristesse infinie ici. Parmi le tas d’idées qui jalonnent le film, j’aime celle d’avoir filmé un train de marchandise de son entrée dans le plan à sa sortie du plan. Même si on ne voit pas ce plan en entier – Il est découpé en deux parties : On voit l’entrée, puis plus tard la sortie – je ne peux m’empêcher de penser à RR, de James Benning, qui lui aussi raconte beaucoup de l’Amérique qu’on voit moins, à sa manière. Pouvoir effectuer des ponts comme celui-ci, entre Moullet et Benning, est aussi un grand plaisir cinéphile, j’imagine.

JanosValuska
7
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le 22 mai 2019

Critique lue 139 fois

2 j'aime

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