Mon incursion sur les terres de Greenaway fut laborieuse. Avant d’être un voyage dans l’espace, c’en est un dans le temps. 1987 transpire de tous ses pores dans cette photographie et ces comportements.
Puisque je suis en terre inconnue, la prise de contact est quelque peu distante. J’attends, un assez long moment, de voir où on veut m’emmener.
Curieux mélange que ce vaudeville volontairement médiocre et cet enthousiasme pour un sujet des plus nobles, l’architecture. Un dialogue un brin forcé entre la grandeur antique et les préoccupations intimes (mon ventre flasque, celui minéral d’Auguste), entre le psycho et le somatique, entre la vie (le fœtus) et la mort (le cancer), des diners mondains à la coloration vaguement satirique, tout cela est ma foi, disons, intéressant.
Le ventre de l’architecte est un film profondément minéral, où les statues semblent avoir davantage de présence que les vivants au cœur de pierre. Un univers où le protagoniste va progressivement se réifier à leur contact, entrer en dépossession : de son art, de son idole, Boullée, de sa femme et de sa descendance.
Au bout d’une petite heure, le charme opère. Subrepticement. La détestation polie du glaçage 80’s, la transparence du personnage dont les entrailles se lisent à ventre ouvert, sa solitude croissante lui font gagner en humanité ce qu’il perd en vie.
Conquis ? Non. Surpris, disons, d’avoir finalement été capté par cette petite comédie humaine un peu poseuse, qui semble assez consciente de ses artifices mais parvient, notamment par le biais d’une musique entêtante, à diffuser sa mélancolie atemporelle.
(6.5/10)

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le 11 févr. 2015

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Sergent_Pepper

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