6 1/2 buildings
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Oh my gode! Depuis combien de temps je n'avais pas autant intellectuellement pris mon pied devant un film??? Après avoir vu les classiques de Greenaway que sont The Draughtman's Contract et The Cook, the Thief, his Wife and her Lover, il fallait que je poursuivre ma filmo de ce réalisateur si singulier, faisant la part belle aux arts.
En grand amoureux de la ville de Rome et de ce qu'elle représente dans l'histoire de la civilisation, j'ai été plus que charmé par ces plans à la Greenaway graphiquement parfaits, n'ayant rien à envier à Eisenstein ou Kubrick, et qui, cerise sur le gâteau, possèdent un sens profond. En effet, plus qu'une ville, Rome est un personnage à part entière dans laquelle se perdent (moralement) les personnages.
Tout ici est construction et déconstruction: la métaphore de l'architecte est là pour souligner à quel point les progressions voulues sont hors de propos tant les personnages principaux tendent à l'autodestruction. Ainsi, Kraklite déconstruit son couple, sa santé et sa vie-même tout au long de l'histoire, et sa femme et le personnage de magnifique pédant campé par Lambert Wilson, leur relation montre le cynisme du réalisateur: pour lui, les personnages ne sont pas capables de se contenter du construit (la grossesse, par définition en cours de construction, définie comme le meilleur des contraceptifs) et tendent au contraire vers la destruction. Tout est ainsi voué à l'échec dès le départ, à l'image de la déliquescence des empereurs romains, cités régulièrement pendant tout le film (Hadrien le premier, mais aussi Auguste ou encore Caracalla, belle image de perdition) ainsi que leurs oeuvres (le Colisée bien sûr, mais aussi le Panthéon.
Autre élément fondamental de l'histoire: l'exposition pour laquelle Kraklite habite à Rome, de l'architecte Etienne-Louis Boullée, dit révolutionnaire (qui déconstruit donc pour mieux reconstruire). Kraklite s'identifie tellement à Boullée qu'il en assimile les obsessions, dont la principale est l'hypocondrie, d'où le mal de ventre qui le tourmente pendant tout le film. Il ira jusqu'à lui écrire très régulièrement comme à un ami proche ou à un confident.
A ce titre, le Palais du Risorgimento, figure centrale du film, permet de comprendre l'intention de l'auteur: en effet, il s'agit certainement du monument le plus significatif du peuple italien en ce qu'il symbolise l'unité italienne suite aux nombreux efforts de Vittore Emmanuele II, et à ce titre il est un bel exemple de construction (qu'on le prenne dans un sens métaphorique ou pas). C'est le lieu central du film à la fois physiquement puisqu'il permet une vue sur le forum romanum, la basilique Saint Pierre ou encore le Colisée, et réunit ainsi l'Antiquité, la renaissance et le modernisme, mais c'est aussi le lieu central d'un point de vue moral puisqu'il représente le point de départ de l'intrigue (l'expo) et la fin (de Kraklite).
Bref, je suis réellement impressionné par ce film et je pense que j'en resterai marqué pendant longtemps. Je pense d'ailleurs que ma critique pourrait être beaucoup plus longue et moins brouillonne mais je reste pantois devant tant de richesse, et je n'ai qu'une envie: continuer mon exploration de l'oeuvre de Greenaway, plasticien de génie et maître de la métaphore visuelle.
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Créée
le 29 juin 2015
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