La tranquillité d’une petite ville, la routine du quotidien, où tout le monde s’affaire pour entamer sa journée. A priori, rien de bien particulier, juste un jour comme les autres. Puis la quiétude devient silence de mort. Un mal mystérieux a frappé. Cette petite bourgade ne le sait pas encore, mais elle sera désormais Le Village des Damnés.
Au milieu des années 1990, John Carpenter avait déjà une très grande partie de sa carrière derrière lui. Juste après avoir réalisé L’Antre de la Folie, un de ses chefs-d’œuvre et un de ses films les plus personnels, il s’essaie à nouveau à l’exercice du remake, en proposant une nouvelle version du Village des Damnés. L’occasion, pour lui, de continuer à explorer le registre du cinéma fantastique qui lui sied tant, tout en restant dans ses thématiques de prédilection. Malgré la présence à l’affiche de Christopher Reeve, consacré en tant que Superman et ici dans un de ses derniers rôles avant son dramatique accident, et de Mark Hamill dans un rôle secondaire, Le Village des Damnés est loin d’être le film le plus connu de « Big John ». Un film aux qualités certes inégales, mais qui s’inscrit pleinement dans le long héritage de sa filmographie.
En effet, ici, le cinéaste confronte l’humanité à une nouvelle menace, celle d’enfants mystérieux, nés des femmes du village, mais sans réelle filiation avec ces dernières. Comme tombés du ciel, aux airs surhumains, presque extraterrestres, avec leurs cheveux blancs et leur intelligence hors normes, ils passent rapidement du statut de nouvelle génération providentielle à celui de menace intangible et inéluctable. On a, une nouvelle fois chez Carpenter, l’image d’une chimère qui veut détruire l’humanité, comme dans plusieurs de ses autres films. Une chimère qui peut, en quelque sorte, représenter une partie de l’humanité, qui s’éloigne de sa propre nature. Ici, par exemple, des êtres parfaits et puissants mais qui en deviennent monstrueux et destructeurs. Un peu comme dans The Thing, Invasion Los Angeles ou Prince des Ténèbres, où ce mal trouvait des incarnations différentes mais disposait de propriétés similaires et nourrissaient le même dessein : conquérir le monde en détruisant l’humanité.
Le scénario du Village des Damnés peut être interprété dans ce sens. L’idée de représenter ce mal mystérieux sous la forme d’enfants induit une certaine idée de peur envers un futur dangereux, où l’humanité aspire à devenir sans cesse plus parfaite, et s’éloignant sans cesse de ce qu’elle est à l’origine, de sa vraie nature. Cette image de perfection mécanique et destructrice absorbant l’humanité était d’ailleurs déjà très présente dans Christine. Autant que The Thing, Fog et Assaut s’orientaient entre autres vers notre passé, Le Village des Damnés, comme Prince des Ténèbres, Invasion Los Angeles ou même le futur Ghosts of Mars interrogent notre avenir. Une autre manière, en quelque sorte, de segmenter la filmographie de John Carpenter.
Globalement, l’ambiance du film est bonne, même s’il a tendance à s’appesantir dans quelques longueurs et répétitions qui le rendent imparfait. Néanmoins, l’horreur et l’épouvante restent bien les genres de prédilection de Carpenter, sans aucun doute. Avec cette atmosphère fantastique et horrifique aussi particulière, le cinéaste nous embarque dans ses histoires tout en étant capable d’en tirer profit pour nous parler de problématiques bien réelles, une constante de sa filmographie qui en fait sa qualité. Le Village des Damnés ne trône peut-être pas à côté de ses chefs-d’œuvre, mais mérite qu’on lui donne du crédit.