Tout le film tourne autour de ce concept : utiliser le visage pétri de singularités de Peter Lorre comme celui d'un grand brûlé à qui on donne un masque en latex pour en dissimuler l'abomination. Il suffira aux maquilleurs de l'époque de ne pas lésiner sur le fond de teint pour simuler la présence d'une pellicule de plastique sur la tête de l'acteur : effet garanti.
"The Face Behind the Mask" est avant tout l'histoire d'un immigré hongrois, fraîchement arrivé aux États-Unis avec une bonne dose de naïveté et d'espoirs placés dans le rêve américain. Lorre excelle en un sens dans la composition d'un personnage affable, tout guilleret et courtois sur le bateau qui le fait passer près de la statue de la Liberté, tout heureux de pratiquer son anglais avec un new-yorkais. Il y a dans le premier segment du film, dédié à la rencontre de cet homme avec la face cachée de l'American dream, une forme de désuétude puissante qui peut avoir son charme vue d'aujourd'hui.
Robert Florey peut donner l'impression de ne pas savoir sur quel pied danser tant les genres alterneront : drame social, film noir, film de gangster, romance... On évoluera à travers tous ces registres au gré d'un scénario un peu décousu, mais toujours motivé par les aspirations du protagoniste. Un homme aux multiples capacités, qui rêvait de faire fortune et de permettre à sa fiancée de le rejoindre un peu plus tard, mais qui se découvrira des aptitudes insoupçonnées et hautement lucratives du côté d'une bande de malfaiteurs. Tout est motivé par les codes du mélodrame : c'est pour pouvoir se payer une opération de chirurgie esthétique, suite au nombreux refus essuyés lorsqu’il cherchait du travail avec son visage calciné, qu'il se lance bien malgré lui dans une carrière tournée vers le crime. Comme la mule n'était pas assez chargée, on ajoute également un partenaire un peu faible qui tombe malade et pousse Lorre dans le filon inéluctable.
Le film tombe dans les excès du mélo quelque peu dommageables lorsqu'il met en scène la rencontre amoureuse entre le défiguré à vie et une jeune femme aveugle (évidemment) : dans ces moments, on est presque chez Borzage... À partir de ce moment, une conscience se réveille et c'est on file tout droit vers un schéma de rédemption malheureusement convenu. Le romantisme noir dans lequel on se faufile alors sauve une bonne partie du film jusque dans ses derniers instants, perdus au milieu d'un désert sépulcral.