Ne fais pas ce film, sinon, voilà ce qui va se passer...

Je m'efforce au quotidien de ne détester ni haïr quoi que ce soit, car je pense que cette émotion est contre-productive puisqu'elle altère le jugement, en plus d'encourager le nihilisme.

Or, je pense ne pas exagérer en disant que je hais Le Visiteur du futur.

C'est simple, pas une seule seconde, pas une seule image n'est surprenante ou digne d'intérêt. C'est le prototype ultime du film cahier des charges sans la moindre inspiration. François Descraques est un parfait petit appliquant, un bon élève qui répète par pur mimétisme ce qu'on voit déjà tout le temps au cinéma. Toutes les décisions de cadre, de mouvement, de lumière, de musique, de montage et de jeu sont utilisés dans la banalité la plus indigente. Il semble qu'en terme d'intention artistique, si on pouvait poser la question "pourquoi faire ça ?", la réponse serait systématiquement : "parce qu'on peut".

Pourquoi faire un traveling quand des personnages statiques discutent ? Parce qu'on peut.

Pourquoi mettre un flare sur la lampe torche d'un téléphone ? Parce qu'on peut.

Pourquoi faire venir Mc Fly et Carlito ? Parce qu'on peut.

Toutes les techniques, astuces et autres artifices du petit cinéaste en herbe sont appliqués scolairement, il n'y a aucune ambition ni idée originale :

- Les gentils rencontrent la méchante :

Contre plongée et zoom en avant pour montrer qu'elle fait peur.

- Un gentil meurt :

Un ralenti sur son ami qui crie sur fond de musique larmoyante.

Deviner à l'avance le scénario, c'est une chose, mais prévoir le découpage des plans, c'est un autre niveau d'incompétence. On sait très bien que lorsque les 2 scientifiques, qui pensaient avoir empêché la destruction d'une centrale nucléaire en appuyant sur un 1 des 2 boutons, vont faire un high five, la centrale va exploser dans le plan d'après à la frame où les mains se touchent. Même chose lorsque la fille découvre le futur Paris en ruine au bord d'un précipice : un gros plan sur elle (au ralenti, évidemment) avec le son de sa respiration étouffée et on devine qu'elle va s'évanouir, tomber en avant et qu'une main posée sur son épaule va la rattraper à la dernière seconde.

Je refuse de parler du scénario, lui aussi effroyablement réchauffé et prévisible. Déjà, parce qu'il faudrait faire une critique entière pour aborder les problèmes et les incohérences, mais surtout parce que je pense que même sans ça, le film serait tout aussi catastrophique. Et si vous pensez que respecter la cohérence d'un scénario est très important pour la qualité d'un film car c'est ce qui permet de croire à un univers de fiction, rassurez-vous, il serait tout de même impossible de suspendre notre crédulité tant les décors sont faux. Je ne sais pas si ce sont les décors en eux-même ou la façon dont ils sont filmés, mais ils donnent tour à tour une sensation étouffante de studio en intérieur ou de vide profond en extérieur.

La lumière d'une des dernières scènes dans la cuisine avec la famille qui mangent à table frise le ridicule. Toute la pièce est baignée dans une lumière chaude aseptisée que même une publicité pour le petit déjeuner n'aurait pas osée faire.

La bande son est la définition même de l'envahissement. En l'écoutant, j'aurais voulu que la musique soit une personne afin que je puisse lui dire de fermer sa gueule. Et si on couple ça aux ralentis dans les moments tristes (mon Dieu... ces ralentis...), ça donne des scènes au delà du supportable. Dans ces moments-là, je regardais ailleurs, soit le sol, soit mon ami à côté de moi pour déceler dans ses yeux le même désespoir.

Certains plans, comme celui de la présentation des enfants combattants et de leur leader "Renard" qui prennent la pose sous la pleine lune après avoir sauvé les gentils, sont à la limite du nanardesque, c'en est presque drôle.

Que ce soit par la lumière, la réalisation, la musique ou les effets de montage (ces putains de ralentis !), tout doit être évident pour le spectateur aliéné. Aucun risque, aucune audace n'est prise. L'héroine doit mourir à cause d'un paradoxe temporelle ? Elle survit, évidemment, on va quand même pas tuer une protagoniste, enfin ! Une explication du scientifique à base de "le temps c'est magique, ta gueule" et c'est bon. Je jure que lorsqu'elle demande au scientifique "Pourquoi je ne suis pas morte ?", j'ai dû me mordre les lèvres pour m'empêcher de crier "Parce que tu es dans un film de merde" dans la salle, m'attirant ainsi les foudres des aficionados de convention Geek, mais, faisant au moins rire mon compagnon à ma gauche. Les dialogues aussi explicitent tout, en quelques minutes, on connaît les personnages, leur relation, leur histoire via une double énonciation des plus pénibles et, alors que notre seuil de tolérance a déjà été dépassé depuis longtemps, le film nous achèvent avec le cliché de la mère morte qu'on insinue dans un dialogue de dispute entre père et fille. Ce qui m'a fait me demander si la piètre performance de ces 2 acteurs n'est pas en réalité dû à l'écriture et la direction de jeu.

Les dialogues sonnent faux au possible mais ça ne serait pas si grave si le but était de se concentrer sur l'humour ou sur les "punchlines" plutôt que sur le réalisme, mais en l'occurence, c'est ni amusant, ni classe. Le film n'est jamais impressionnant, jamais touchant, jamais drôle, il échoue à tous les niveaux.

Si les créateurs du Visiteur du futur, qui ont commencé sur YouTube en 2009, nous ont appris qu'on peut commencer de rien en faisant des petits films sur internet et finir projeté sur grand écran, ils nous ont aussi enseigné une leçon tragique, c'est que même dans ce cas, ça ne donnera probablement qu'un produit américanisé et standardisé. À ce propos, le complexe d'infériorité face au cinéma américain est très gênant à voir, c'est comme regarder un enfant qui essaie d'imiter un adulte pour qu'il soit fier de lui, sauf que l'adulte s'en fout complètement.

« Regardez-moi, Hollywood-senpai, je fais bien comme vous, pas vrai ? UwU »

De plus, le film a eu la merveilleuse idée de réunir 2 univers très formatés : Le cinéma américain et l'humour YouTube. On est envahi par les références, les clins d'oeil et par une plétore de caméos inutiles (pléonasme ?), on croirait revivre les heures sombres d'Astérix aux Jeux olympiques. Ce film prend vraiment les spectateurs pour des cons et la réaction de la salle qui, par réflexe pavlovien, glousse à la moindre apparition de personnalité d'internet avant même leur ligne de dialogue me fait penser qu'il a bel et bien atteint son public cible.

Le visionnage de ce qui semble être un TRÈS long métrage touche à des notions abstraites comme l'Éternité ou l'Infini tant il est une compilation de ce qu'on a vu un milliard de fois. On a l'impression d'être bloqué dans une boucle temporelle d'ennui. C'est, selon moi, l'exemple parfait de tout ce qu'il faut éviter de reproduire lorsque l'on a un minimum d'ambition cinématographique. Je conseil donc de le regarder comme un objet d'étude, si vous arrivez à ne pas vous endormir devant.

Si vous trouvez cette critique violente, dites-vous que ça ne sera jamais pire que ce que m'a fait subir 1h40 de ce film. Quelques lignes acerbes en retour, c'est la moindre des choses.

Nathan-Burnotte
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le 18 oct. 2022

Critique lue 131 fois

3 j'aime

Nathan-Burnotte

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