Produit en 1989, « Le Visiteur du Musée » de Konstantin Lopouchanski fait si bien penser à « Stalker » qu’il est presque impossible de le regarder sereinement, tend il penche vers une approche tarkovskienne d’un monde post-apocalyptique, dans le but de nous faire vivre une expérience métaphysique et spirituelle acidulant le temps. Le métrage se construit sur toute sa durée à l’intérieur d’une atmosphère dantesque, sublimant son esthétique tout en se dotant de moyens efficaces, évitant néanmoins farouchement la facilité. Et justement, pour éviter de tomber dans la facilité, il est inutile de le comparer à « Stalker », car si les deux films maitrisent un postulat et une atmosphère assez similaire, ils sont très différents, et d’ailleurs, il n’est pas certain que Tarkovski aurait apprécié cette œuvre de son vivant.


Lopouchanski s’abandonne avec « Le Visiteur du Musée » à une descente aux enfers particulièrement brutale ; au point que, sans hésiter, on pourrait aisément parler de « film coup de poing ». Le métrage multiplie les reflexes étranges, cultive une atmosphère lugubre, tout en mettant en scène un quidam sordide tentant de se rendre dans un musée situé sous un océan de produits chimiques. Sur chaque grain d’image, le film transpire la mort, mettant en exergue ses images rougies et/ou jaunies. On imagine que, petit à petit, une lueur d’espoir va apparaître, mais rien ne contribue à sortir le film de son aspect exsangue, voire broque, dans lequel il plonge jusqu’au-boutiste, suivant un protagoniste si désespéré qu’il en devient émouvant sous ses ères chaotiques. Cette humanité du future filmée par Lopouchanski est sans intérêt : elle est folle, inconsolable, voire misérable. Lors d’une scène de repas, le propriétaire d’un hôtel parle d’un avenir sombre : une inondation colossale imminente, pour ensuite argumenter sur les raisons le poussant, malgré tout, à rester. C’est lors de ce monologue que l’on se rend compte du pessimisme abyssal du « Visiteur du Musée », évoquant la destruction de l’humanité, mais aussi l’abime innommable de la condition humaine.


Le film entretient également de nombreux échos religieux, faisant fréquemment référence à une présence divine. Cependant, la religion y est davantage considérée comme un vice que comme une croyance salvatrice. Ce qui n’est guère étonnant, puisque Lopouchanski nous présente un monde abandonné par dieu. Parmi les scènes marquantes du film, celle du sacrifice du héros est si abjecte que l’on se croirait presque devant du Guerman, en encore plus turpide. En réalité, le protagoniste principal est, pour ces mutants, le messie, celui qui va témoigner pour eux devant dieu. Et à partir de là, le métrage ne fait que gagner en densité, jusqu’à son final saumâtre, écrasant définitivement l’humanité, tout en se révélant comme une métaphore de notre monde et voyant la religion comme un mensonge.


Poésie du désespoir, « Le Visiteur du Musée » met en scène ces contrées foudroyées en nous plongeant au sein d’un déchainement d’éléments hypnotique. Méconnu, le film mérite néanmoins son statut de référence dans le cinéma soviétique. Il s’agit là de l’héritage du soviétisme : une décharge humaine en proie à une quête désespérée ; celle qui consiste à trouver un dieu.

Kiwi-
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le 11 janv. 2017

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