Que ce soit par son aspect ou par son fond et son contenu, "Le visiteur du Musée" évoque évidemment "Stalker", d’Andrei Tarkovski, sans doute l’un des plus beaux films de tous les temps, et accessoirement, mon film préféré. Ils partagent en effet à peu de choses près, les mêmes thématiques et distillent la même ambiance si particulière, donnant ainsi matière à réfléchir sur la place de l’être humain dans l'Univers et le sens de l'existence, partagée entre espoir et désillusion.
Bien entendu, les similitudes entre ces oeuvres sont loin d'être des coïncidences. Le réalisateur Konstantin Lopouchanski, qui poursuit encore aujourd'hui son métier de cinéaste dans le silence radio le plus total, a été l’élève d'Andreï Tarkovski à Leningrad mais surtout, son assistant sur "Stalker".
A partir des bases solides enseignées par son maitre, il poursuit le travail refléxif entamé par Tarkovski concernant la nature, la foi, et la bêtise humaine. Cela s'apparente presque à une obligation morale pour l'auteur, au regard du constat de l'état actuel du Monde. Sans jamais sombrer dans un plagiat ridicule de "Stalker", il se réapproprie les thématiques et le scénario en créeant son propre style visuel et sonore.
Avant de parler de l'histoire, il est important de souligner que l'écriture du film s'est déroulée peu après les évènements de Tchernobyl. Comme quoi, la réalité peut parfois influer sur la fiction.
C'est surtout un récit d'anticipation mais egalement une petite épopée spirituelle et métaphysique de science-fiction :
Dans un futur proche, s'est produit une catastrophe écologique sans précédent, dont ne sait absolument rien. Ce cataclysme nous apparaît clairement comme l'aboutissement logique d'une ancienne relation entre l'Homme et la Nature, fondée sur un gaspillage inconscient des ressources. Les quelques décors laissent entrevoir les vestiges d'un paradis technocratique et industriel. A certains endroits, le Monde n'est plus qu'un vaste amas de déchets et l'ambiance rend compte du désespoir universel car la majeure partie des humais sont devenus des mutants, des monstres, des "dégénérés". Le héros fait partie des rares rescapés, l'un des rares à avoir gardés une apparence humaine avec les capacités intellectuelles qui vont avec.
C'est un prophète, un messie. En lui réside le dernier espoir de l'humanité alors que le chaos est imminent. Son ambition, aussi absurde, délirante et irrationnelle soit-elle, est de racheter les fautes de l'humanité et de sauver les malheureux. Pour se faire, il erre dans cette projection post-apocalyptique à la recherche d'un curieux sous-marin seulement accessible à certaines périodes de l'années renfermant apparemment certaines idées du bonheur. On ne peut s'empêcher de le comparer avec la fameuse "Zone" et ce mystère imperceptible émanant du lieu. La mission de cet inconnu sera de redonner une lueur d'espoir aux Hommes ou plutôt donner cette illusion à ceux qui ont perdu la foi.
Réalisé avec les moyens du bord et un budget minimaliste, on peut tout d'abord être dérouté par ce style artisanal mais il a un charme fou. Ma déception réside surtout dans les références bibliques et religieuses omniprésentes qui sont parfois lourdes et pompeuses. La supression de quelques longueurs et de quelques scènes dispensables auraient été profitables.
Mais je suis surtout ébloui par cette orchestration subtile de visions hallucinatoires cauchemardesques qui cherchent à abandonner le spectateur dans une rêverie cosmique bouleversant ses repère fondamentales. Avec peu de moyens, l'auteur réussi à évoquer beaucoup chez le spectateur. Nous ressentons d'inquiétantes sensations pendant le visionnage, notamment l'incompréhension. Même s'il y a beaucoup de symboles, d'actions et de plans qui restent sans réponse, on se laisse manipuler avec joie. Même si ce long-métrage n'est pas parfait et contient quelques défauts, même si le plaisir n'est pas immédiat, le visionnage vous marque durablement et d'une encre indélébile, c'est certain.
Inconnu du grand public, sauf de quelques cinéphiles intrépides, cet objet cinématographique difficilement identifiable, que dis-je, cette bombe sortie à la fin des années 80, ébranla et hantera encore longtemps les pensées des amateurs de genres.
Je vous le dit, ce film a une âme ... oui une âme ... je le sens ...
PS : Un grand merci à mon éclaireur Fullimpacte, sans qui je n'aurais jamais pû profiter de cette sublime découverte !