The Great train robbery, premier western de l'histoire ?
Difficile à dire, d'autant plus que le film est contemporain des derniers soubresauts de l'Ouest avant l'arrivée de la civilisation... Nombre de vues (à la façon des frères Lumière), déjà filmées par des pionniers, présentaient donc divers aspects de la mythologie de l'Ouest.
La question importe peu. The Great train robbery est sans doute le premier grand western structuré, avec un enchaînement, très dynamique, de multiples péripéties : la neutralisation du chef de gare - télégraphiste (dont Sergio Leone s'est peut-être souvenu), la prise du coffre, la bagarre sur le wagon, le vol des voyageurs, la fuite des hors-la-loi, la libération du télégraphiste, la danse dans le saloon, la poursuite à cheval et l'affrontement final tout cela en quatorze plans et une douzaine de minutes ! Et tout le western est là - les chapeaux, les chevaux, les coups de feu, le saloon, le train (avec lequel le mythe de l'Ouest sauvage vit d'ailleurs ses dernières heures.)
Et le monde ainsi décrit est d'une extrême violence. Impitoyable.
Cela dit, nous sommes en 1903 et le film présente quelques défauts très exotiques, caractéristiques des premiers balbutiements du cinéma,
la prise de vue à distance des personnages (en plans moyens ou en demi-ensembles) au point que leurs traits ne peuvent pas être distingués - et je n'ai toujours pas compris si les danseurs du saloon sont les truands en train de fêter leur succès, ou au contraire les rangers qui ne se sont pas encore engagés à leur poursuite - la libération précédente du télégraphiste me fait privilégier cette hypothèse ...,
l'ignorance du montage alterné qui provoque une curieuse dilatation du temps : les truands prennent la fuite (très organisée), puis s'enchaînent plusieurs scènes importantes et longues, la libération du télégraphiste, le saloon - et dans la séquence suivante les bandits à cheval sont ... sur le point d'être rattrapés par leurs poursuivants ...
... ce qui ne les empêche pas de s'arrêter bientôt en forêt pour se partager le butin (un peu à la façon d'un pique-nique tranquille), et donc de se faire presque immédiatement rejoindre et massacrer par la police ...
quant aux chutes de tous les personnages atteints par une balle ...
Il reste que ce premier western est émaillé de nombre de remarquables trouvailles inédites ou très rares :
la colorisation partielle et très spectaculaire de plusieurs images, sur les robes des femmes (scène du saloon), sur tous les effets pyrotechniques - explosion du coffre, coups de feu ...
un essai d'effet spécial avec la substitution réussie d'un mannequin au corps du chauffeur projeté dans le vide à la fin du combat sur le toit du train,
et surtout le premier gros plan de l'histoire : à la toute fin du film, quand tout est terminé, le chef des gangsters, de face, brandit son pistolet et tire sur le spectateur. Effet garanti et très réussi, à la façon de l'arrivée d'un train en gare de La Ciotat. En fait ce plan ultime, à vocation publicitaire (assez géniale vue la postérité de l'effet) pouvait aussi bien être placé au début ou à la fin du film (voire au milieu, après la scène du saloon), à seule fin d'impressionner le spectateur. il n'est même pas sûr que le comédien interprétant le tireur (Justus D. Barnes, très connu à l'époque) fasse partie du commando impliqué dans l'attaque du train ...
Et cela n'a aucune importance - car The Great train robbery, avec la construction de son récit, son rythme, son réalisme et ses multiples innovations est évidemment une date essentielle dans l'histoire du cinéma.
P.S. Le film est très facile à trouver sur le net. Le site suivant présente en outre une version partiellement colorisée (en particulier pour le fameux gros plan.)
https://www.youtube.com/watch?v=Bc7wWOmEGGY