La drogue, c'est mal. Enfin pas toujours...
J'ai vu deux versions du Voleur et du Cordonnier - il en existe pléthores, ce film ayant trente ans de développement, la mise à l'écart de son créateur, des rajouts, des coupes...un vrai massacre.
La première version était purement horripilante : il s'agit de celle apparemment sortie en salle, où des voix off et d'horribles chansons ont été rajoutées, probablement pour essayer de se mesurer au Aladdin de Disney, dont le film est accusé d'être une sorte de copie...ou Aladdin d'être une copie de ce film. Bref, les questions de copyright ont contribué à faire de cette version une sorte de film consanguin honteux que je préférerais n'avoir jamais vu, tant il ne fait honneur ni au dessin animé de Disney, ni à la véritable version de "Le voleur et le Cordonnier". Je ne m'attarderai pas dessus, ça n'en mérite pas plus.
J'ai ensuite vu la version "Director's cut", la plus proche de ce que souhaitait le créateur. Film hallucinant proche du trip LSD, il se déroule dans des décors de toute beauté en mosaïques, dans lesquels les personnages évoluent en jouant sur les illusions d'optique que ne renierait pas Vasarely. Le film est pratiquement muet, seul le grand vizir Zigzag, génialement doublé par un Vincent Price décidément très à l'aise dans les rôles d'affreux de l'animation, a de vrais dialogues. Tout es suggéré, imagé avec poésie et humour. Si le design peut surprendre (la princesse pin-up, le cordonnier semblant s'être échappé du bestiaire de Tim Burton) il est parfaitement en accord avec l'ambiance très étrange qui se dégage de l'ensemble. L'histoire n'est certes pas d'une originalité transcendante mais permet aux animateurs des scènes visuellement très riches (la course-poursuite entre le voleur et le cordonnier, totalement hallucinée et d'une belle ingéniosité visuelle dans l'utilisation du décor). Bref, un spectacle tout en finesse.
Concernant la polémique avec Aladdin, la seule influence manifeste que je vois, c'est le grand vizir Zigzag - encore lui - dont s'est manifestement très fortement inspiré Disney pour Jafar et le Génie. Le traitement de l'histoire sont assez différents, Aladdin étant plus proche d'un Tex Avery alors que "Le voleur et le Cordonnier" est un trip psychédélique. S'il est clair que Disney n'a pas cherché son inspiration très loin, de là à parler de copyright, il y a un pas que je ne franchirai pas puisque les deux œuvres m'ont plu.
A ce jour, le Director's cut est incomplet (certains passages sont encore à l'état de story board, l'image n'a pas été nettoyé, le son est mauvais...) et pourtant, il révèle un petit bijou de l'animation, dans un genre très différent mais qui pourrait prétendre à s'asseoir aux côté du "Roi et l'Oiseau". Contrairement à ce pauvre cordonnier, le Roi et l'oiseau a bénéficié de la persistance de ses créateurs pour effacer sa première version honteuse. Malheureusement, il semble que "Le voleur et le cordonnier" soit destiné à rester en l'état. Un vrai gâchis.