La mosaïque adoucit les murs
Merveilleuse perle de l’animation parallèle conseillée par drélium et Thieuthefirst, un film qui porte le douloureux record de celui du plus long tournage, puisqu’il s’étale pendant plus de trente ans depuis le début des 60’s et n’a jamais réellement donné lieu à une version aboutie…
Des versions donc, comme s’il en pleuvait, une en particulier avec des chansons rajoutées (je crois que je préfère mourir que de voir ça, sauf s’ils chantent Aux marches du Palais, ce qui serait approprié, mais j’ai comme un doute…), et une autre avec une voix off improbable de Sean Connery dans la tête du petit cordonnier pour compenser son mutisme persistant du aux clous qu’il a en permanence dans la bouche…
Devant un tel désastre, une horde de fans déchainés s’est escrimé a retrouver le travail original du réalisateur animé de Qui veut la peau de Roger Rabbit, et cela a donné la Recobbled Cut, une version introuvable en dehors du lien que vous trouverez probablement en commentaires et qui insère parfois brièvement des esquisses et des story-boards afin de retrouver le récit d’origine…
Du coup, l’ensemble a un petit goût d’inachevé l’empêchant de prétendre à sa vraie place (quelque chose du niveau du Roi et l’oiseau pour tout dire…) mais c’est quand même bougrement chouette.
Alors c’est une histoire des mille et une nuits, avec une princesse qui ressemble un peu trop à une actrice porno pour être honnête, un méchant vizir doublé par Vincent Price tellement bleu qu’il donne envie de baisser encore un Aladdin hystérique et de se relire un des derniers Astérix, un cordonnier au design improbable et un voleur malchanceux absolument indescriptible… Le tout se balade dans des décors somptueux aux faïences artistiquement ouvragées, un palais dont le minaret tremble à l’idée de perdre ses trois boules d’or, quelque chose comme ça… C’est difficile d’être affirmatif devant un film qui tient parfois plus de l’imaginaire d’une bande de drogués que d’une belle histoire exotique… Alors oui, parfois les personnages ne sont pas parfaitement dessinés, il y a des faux-raccords stupéfiants et on a parfois l’impression d’être tombé dans un monde de jeu vidéo primitif qui abriterait frauduleusement Bip-Bip et Coyote mais ce n’est pas très grave…
Déjà, le design n’est pas parfait mais se regarde et l’animation, elle, est aux petits oignons, ensuite, la musique est relativement réussie, à tel point qu’elle donne envie de supprimer les rares et surérogatoires dialogues pour profiter pleinement d’un voyage visuel d’une rare imagination.
Et puis il y a le voleur, personnage génial qui se joue du décor de façon hallucinante, traverse une mosaïque ou un mur antipathique comme personne et teste avec une persévérance diabolique tous les moyens imaginables pour s’emparer des boules d’or… A ce niveau d’acharnement burlesque on dépasse le niveau du gag basique pour atteindre quelque chose de plus subtil et d’éthéré, un charme poétique fragile qui fonctionne miraculeusement sans se briser du début à la fin et qui fait du film un vrai et rare petit bijou à expérimenter séance tenante.