Itinéraire d'un enfant gâté
A 22 ans, notre héros, qui a feuilleté deux lignes de Thoreau et trois pages de Jack London, abandonne sans un mot sa famille après son diplôme et va vivre deux années d'errance avant de crever comme une merde dans un bus oublié au milieu de l'Alaska...
J'ai une grande tendresse pour les road-movies, vraiment, je n'ai aucun problème à passer deux heures et demi à suivre un type en auto-stop à travers l'Amérique, à le voir accumuler les rencontres et les petits boulots, le tout dans des paysages qui valent le détour et je pense franchement qu'il y a mille raisons qui justifieraient très bien ce genre de décision dans une vie.
Le problème, c'est que là, le héros est un petit connard égoïste qui laisse lâchement tomber sa famille grasse et repue à son premier caprice d'enfant gâté, et tout de suite, ça devient beaucoup moins intéressant.
Après, il faut se taper le petit merdeux arrogant dire à un vieux monsieur qui a souffert dans sa vie et qui a enfin trouvé la paix qu'il doit se bouger le cul et faire comme lui (c'est à dire courir partout sans but et sans jamais donner l'impression d'en profiter vraiment). Et là, le vieux monsieur, au lieu de lui botter les fesses, il propose de l'adopter, en toute logique...
Faut dire, c'est fou comme les gens sont gentils et patients avec lui, c'est pas faute d'avoir la pire tête à claques qui soit en plus, mais non, personne ne remet en question ses théories adolescentes mal torchées, personne ne l'envoie balader, tout le monde l'aide sans rechigner, jusqu'à l'écoeurement...
Quand une jolie brune de seize ans lui offre généreusement son corps, le jeune branleur ne trouve rien de mieux à faire que de proposer de chanter une chanson à deux à la place, ce qui ne l'empêche pas de lui dire en partant, sans aucune ironie d'ailleurs, que si elle veut vraiment quelque chose dans la vie, il faut qu'elle l'attrape !
C'est couillon tout de même, on est content de croiser William Hurt, Vince Vaughn, Zach Galifianakis, Catherine Keener et de découvrir enfin Kristen Stewart adulte, mais pourquoi gâcher tout cela avec un jeune premier insupportable qui multiplie encore tous les défauts d'origine du personnage principal ?
A aucun moment n'est remis en question, ni dans l'histoire, ni dans la mise en scène, tous les postulats stupides qui irriguent ce personnage, sa vision risible et conditionnée de la vérité, de Dieu, de la liberté... Je sais bien qu'il faut que jeunesse se passe, mais tout de même, tous les protagonistes, le réalisateur, le producteur, tous derrière le même petit couillon comme un seul homme, et on voudrait que le spectateur fasse de même ?
Et bien dans ce cas, il faut nous faire bouffer avec lui, pas se contenter de montrer un sac de riz, il faut nous faire partager son périple de façon précise, minutieuse, comme Thoreau le faisait par exemple, il faut nous faire sentir ce qu'il sent, ressentir ce qu'il souffre, il faut s'attarder sur les détails triviaux et pas seulement sur les panoramiques, il faut faire l'impossible pour nous faire aimer ce type qui part tout seul, ce type qui ne baise pas, ne boit pas, ne fume pas et accumule les expériences à la va-vite exactement comme les meilleurs représentants de la société de consommation qu'il dénonce puérilement...
Sinon, s'il avait vraiment lu London, il aurait appris pas mal de choses sur le fait de ne jamais s'aventurer seul dans le Yukon ainsi que quelques indications notables sur la valeur des crues dans cette région, ce qui lui aurait évité bien des désagréments.