Le Voyage à travers l'impossible s'inspire librement de Jules Verne. Il a été réalisé par Méliès dans la ligne de son Voyage dans la lune. Les deux réalisations suivent la même structure : conférence, préparation, voyage rocambolesque et retour.
Le Professeur Mabouloff s’adresse à l’Institut de Géographie Incohérente pour financer une expédition. Il présente son projet : il s’agit de s’envoler jusqu’au soleil en train ! L’équipe expéditionnaire est composée de 10 personnes dont deux femmes et un clown ! Ce voyage va entraîner nos aventuriers dans des péripéties plus folles les unes que les autres ! Ils se feront avaler par le soleil et visiteront les fonds marins avant de rentrer chez eux en fanfare. Ce voyage est riche en idées ingénieuses et humoristiques. Je ne peux toutes les citer, il faut les découvrir soi-même.
Je voudrais relever deux scènes :
- d’abord le fameux vol onirique dans les airs à bord de la locomotive, préfiguration de tous les envols féeriques et magiques du cinéma. Le plus célèbre étant le vol en bicyclette sur fond de pleine lune dans E.T. the Extra-Terrestrial.
- ensuite la scène dans les fonds marins. Ici, Méliès utilise une technique déjà employée dans Le Royaume des fées. Il filme les scènes à travers un aquarium ce qui permet d’avoir au premier plan de réels poissons évoluant librement.
On reproche souvent à Méliès de ne pas avoir évolué en ne proposant que des plans fixes alors que d’autres cinéastes à la même époque connaissaient les mouvements de caméra où les plans en diagonale. Cela est interprété comme un manque d’évolution de Méliès. Pour ma part je perçois les choses autrement. Si Méliès avait voulu se lancer dans les mouvements de caméra, il l’aurait fait. S’il ne l’a pas fait, ce n’est ni par incompétence, ni par manque d’idée mais parce qu’il l’a voulu ainsi. Méliès est un homme de théâtre, un homme de scène. Dans ses films, le spectateur est placé face aux images qui se déroulent devant lui, comme dans un spectacle de théâtre. Il est au centre de l’action, le spectacle a lieu pour lui. Cette façon de filmer est un style assumé, cela fait partie du « style Méliès », c’est une marque de fabrique et pour ma part cela ne me dérange pas.
Autre reproche fait à Méliès, les redondances de scène. J’en relève une ici, parmi d’autres. Le véhicule des aventuriers se crashe dans un bâtiment. Rien que cette scène est avant-gardiste, elle préfigure les nombreux films d’action où les voitures s’emboutissent les unes dans les autres ou bien dans des vitrines ou autre. La scène est filmée d’abord de l’extérieur : on voit le véhicule foncer dans le bâtiment. Puis elle est filmée de l’intérieur. Ici on s’attendrait à reprendre l’action là où elle s’est arrêtée, c’est-à-dire après le scratch. Mais pas du tout ! On voit des gens banqueter paisiblement puis tout à coup le véhicule enfonce le mur et surgit dans la pièce ! Manque d’idée ! Problème de rythme ! Pas du tout, Méliès suit une autre logique que la nôtre. Ce qui l’intéresse c’est de voir la même action de l’extérieur et de l’intérieur. C’est à nous de perdre notre logique cartésienne pour suivre son esprit fantaisiste et libre de toute règle rigide !
Le Voyage à travers l’impossible est recommandé à toutes les personnes qui ont l’âme aventurière et qui aiment rêver. Il est visible ici : https://www.youtube.com/watch?v=RX_uYi4eSOI
Pour découvrir d'autres films de Georges Méliès, voir ma liste : https://www.senscritique.com/liste/GEORGES_MELIES/3186704
Des images du court-métrage sont intégrée dans le clip de Queen Heaven For Everyone: https://www.youtube.com/watch?v=yI8lrvKLzg0